Paris (AFP) – Poissons piégés par la décrue, nids emportés par la montée des eaux: les inondations « créent des déplacements massifs » de faune et augmentent la mortalité, explique le biologiste Gilles Boeuf, spécialiste de la biodiversité et conseiller de la ministre de l’Environnement Ségolène Royal.
Quelles conséquences ont les crues exceptionnelles sur les poissons?
Le danger pour la faune aquatique c’est la décrue: les poissons risquent de se retrouver piégés dans des zones où ils ne devraient pas être, où ils ne peuvent pas survivre. J’ai vu dans les Pyrénées, lors de fortes crues, des truites en plein champ, à plus de 30 mètres du cours d’eau.
De plus, beaucoup de petites espèces de poissons qui ne sont pas les nageurs les plus performants, sont emmenés vers l’aval, avec le flux d’eau important. Ils vont se retrouver quelquefois très loin des territoires desquels ils sont partis.
Ceux qui nagent très bien, comme les salmonidés, les truites, peuvent revenir assez vite. Par contre ceux qui ne sont pas des nageurs fantastiques, comme les carpes, les cyprins, etc, auront du mal à revenir dans la zone initiale.
Or dès qu’on est dans une zone qu’on ne connaît pas, le danger augmente, on est plus exposé aux prédateurs.
Et puis chaque inondation est associée à de la pollution. L’humain a empoisonné certains sols. Tous les métaux lourds, les perturbateurs endocriniens, tout cela va se retrouver dans la Seine et dans l’estuaire.
L’impact sur la zone marine estuarienne est très important. La baie de Seine, toute la région du Havre, est très affectée. Vous avez une arrivée d’eau douce massive, et puis toutes les saletés que l’humain a accumulées qui débarquent brutalement dans une zone particulière, et cela affecte le milieu marin bien sûr.
Et pour la faune terrestre?
C’est pour la faune terrestre que le problème est le plus grand. On est à une époque de nidification, fin mai début juin, pas mal d’oiseaux ont leurs petits. S’ils ont niché pas loin du lit du fleuve, les nids sont emmenés, les parents perdent leurs enfants, là il y a une perte importante.
L’envahissement des zones terrestres rapide, comme cela s’est passé ici, a détruit toute une partie de la faune terrestre qui se trouvait trop près du lit de la rivière.
Comme pour la faune aquatique, on observe des déplacements: vous avez des radeaux faits d’accumulations de feuillages, branches cassées, de troncs d’arbre… La faune, que ce soit des insectes, des serpents, des grenouilles, des rats, des mulots, s’accrochent aux éléments qui flottent.
Ces radeaux vont s’échouer. Quand ces animaux se retrouvent tous accumulés sur des zones particulières, la nourriture va être plus difficile à trouver, les prédateurs vont reprendre leur activité.
Ces inondations créent des perturbations évidentes sur le vivant, des déplacements massifs de faune, même si ce n’est pas l’événement que je qualifierais de plus catastrophique sur la biodiversité. Cela reste un événement naturel, ce n’est pas de l’ordre d’une pollution massive comme l’empoisonnement d’un cours d’eau.
Faut-il voit dans ces crues une conséquence du changement climatique?
Ce qui nous surprend le plus, c’est l’ampleur de cette crue à cette époque de l’année. Je ne relie surtout pas ce qui s’est passé au changement climatique, c’est trop tôt. Il n’empêche que le changement climatique va créer des événements comme celui-là. Il faut se préparer à une fréquence de ce genre d’événements beaucoup plus grande qu’auparavant.
Il faut se poser la question de l’influence de l’humain. On a complètement détruit et asséché les zones humides. Les zones humides ont un rôle d’éponge, elles stockent de l’eau à des niveaux incroyables et la restituent tout doucement sur de longues périodes.
On a enlevé les zones humides, qu’est-ce qu’il se passe? Il pleut, tout va dans le fleuve, et on a une inondation. S’il ne pleut pas, c’est rapidement une sécheresse.
© AFP
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