Nemours (France) (AFP) – La montée des eaux a transformé le centre-ville de Nemours en une petite Venise à colombages où ne circulent que des barques qui évacuent ses habitants mais la ville a affronté avec solidarité la plus forte crue de son histoire.
Dès 06H00 du matin, la ville a été coupée en deux par les débordements du Loing, au débit inhabituellement puissant. Ce bras d’eau n’a cessé de grossir au fil des heures, atteignant par endroits plus d’un mètre de haut.
Les commerces du centre-ville historique se sont rapidement retrouvés immergés, les riverains isolés chez eux, les Nemouriens coupés dans leurs activités.
Certains ont retroussé leur pantalon pour tenter une traversée. Insuffisant pour certains passages où l’eau arrive en haut des cuisses. D’autres ont tenté péniblement leur chance à vélo. Beaucoup sont restés au bord de l’eau, immortalisant en photo « l’événement ».
« C’est impressionnant. J’habite ici depuis 39 ans, je n’ai jamais vu ça. Il y avait déjà eu des débordements mais c’était juste quelques flaques », glisse Virginie Louitfi, 44 ans.
« Je connais des gens qui sont touchés, ils ont dû monter leur canapé, leur congélateur et tout à l’étage, sinon ils perdaient tout », raconte Cyril Petit, un chauffeur de car de 39 ans.
La crue est historique. « On a dépassé la crue de 1910 » qui, avec ses 4,25 mètres d’eau, faisait jusqu’à présent référence, selon la maire Valérie Lacroute, sur le pied de guerre depuis deux jours.
Avec les élus, elle avait prévenu ses administrés que des inondations étaient à craindre. « Mais tant que ça n’arrive pas, les gens ne se rendent pas compte », soupire l’édile de cette ville de 12.000 habitants.
Comme cet homme, qui a garé sa voiture « à minuit » et doit la sortir de l’eau dix heures plus tard. Arrivé au sec, il ouvre sa portière, déversant un torrent d’eau qui a inondé sa voiture jusqu’aux banquettes.
Noria de bateaux
Dans la matinée, les services techniques ont patrouillé pour évacuer les personnes âgées, à mobilité réduite ou avec des enfants. Ils ont été rejoints par des volontaires du club de canoë-kayak local venus apporter leurs embarcations et leurs bras en renfort.
Face à la montée inexorable de l’eau, l’évacuation totale du centre-ville, soit près de 4.000 personnes, a été décidée en début d’après-midi.
Une noria de petites embarcations a alors convergé vers la rue de Paris, devenue quai d’accostage pour les naufragés du centre-ville, hissés des bateaux par des habitants anonymes.
« Ça va, serein. Pas besoin de paniquer. Il faut rester tranquille dans ces cas-là », sourit un quadragénaire en débarquant d’un canoë, des chatons dans les bras. « La nature, c’est la nature. Quand elle reprend ses droits, on ne peut rien faire », enchaîne, fataliste, sa compagne Fabienne.
Comme les autres habitants, ils rejoindront en bus un gymnase mis à disposition pour l’occasion.
« Après, on ne sait pas quand on pourra rentrer », glisse Fabienne: « Mais nous, ça va, on habite au premier étage. Ceux qui sont à plaindre sont ceux qui habitent en rez-de-chaussée ou les commerçants. »
Emmanuelle Fabre, qui tient un magasin de produits bio, a surélevé ce qu’elle pouvait et ramené à pied sur la terre ferme quelques produits avec l’aide de son père, pour les protéger des 40 centimètres d’eau qui ont envahi sa boutique. « On ne peut pas tout sauver. J’ai pour 40.000 euros de stock. Et puis, il y a les murs, les présentoirs, on ne sait pas dans quel état ce sera », soupire-t-elle, pieds nus, sa paire de bottes à la main.
Alors que le pic était attendu dans la nuit, la situation restait précaire en fin de journée en centre-ville. L’électricité a été coupée. « Et il n’y a plus de réseau d’assainissement en ville et le réseau d’eau potable ne va peut-être pas tenir », s’inquiète Valérie Lacroute.
Un voisin, en pleine opération d’évacuation de ses meubles, préfère prendre la chose avec philosophie, malgré l’eau qui lui arrive à mi-mollets: « Ça fait de l’animation, il se passe jamais rien ici. Et les gens savent où c’est Nemours maintenant! »
© AFP
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