Epernay (France) (AFP) – Recycler les eaux usées et les boues du vignoble champenois en « technosables » destinés aux entreprises du BTP notamment: la station d’épuration d’Épernay vient de se lancer dans cette initiative inédite, valorisant ce déchet vert.
La station d’Épernay-Mardeuil « est la première en France autorisée à utiliser les technosables », souligne ainsi Franck Leroy, maire (UDI) d’Épernay et président de la communauté de communes Epernay Pays de Champagne.
Après huit ans de recherches et d’essais et 200.000 euros d’investissement de cette collectivité, la préfecture de la Marne a donné son aval définitif en décembre.
Exploitée par Veolia Eau, la station traite les boues urbaines de 35 000 habitants auxquelles s’ajoutent celles produites par la profession viticole champenoise. Elle en retire 700 tonnes de technosables par an, produites sur le site en ayant recours à l’oxydation par voie humide, un procédé testé pour la première fois à Épernay.
« On oxyde les matières organiques pour les réduire en matière minérale », explique Christophe Poisblaud, ingénieur chez OTV, filiale de Veolia. « Les boues passent dans un réacteur d’oxydation où se trouve de l’oxygène pur. Elles sont chauffées à 240°C. La pression à l’intérieur est de 54 bars. A la sortie, on obtient du gaz propre, du liquide organique à retraiter et un résidu solide minéral : les technosables ».
« Ils peuvent être utilisés en remblai de voirie ou dans la fabrication de céramique », précise M. Leroy.
Ils sont ainsi mélangés avec d’autres matériaux à hauteur de 35% maximum pour la rénovation de tranchées et 7% maximum dans la filière céramique.
Un test grandeur nature a été réalisé lors de la réfection d’une rue d’Épernay : l’incorporation de technosables n’a pas modifié la couleur, la stabilité et la durée de vie de la chaussée.
La matière ne change pas non plus l’aspect et la résistance des carreaux en céramique.
« Les essais ont montré que la qualité était identique et conforme aux réglementations en vigueur », confirme Alexandre Filhol, expert à la Société française de céramique. L’utilisation des technosables dans ce secteur industriel possède aussi l’avantage de réduire le coût énergétique lié à la cuisson du produit.
Une alternative à l’épandage
L’épandage des boues est rigoureusement interdit dans l’appellation Champagne, d’autant plus que les coteaux champenois sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco depuis juillet 2015.
Avant l’ouverture de la station d’épuration en 2006, la communauté de communes devait donc stocker les déchets dans des tonneaux métalliques puis les acheminer par camions sur des terres agricoles situées jusqu’à 50 kilomètres de la station, provoquant des émissions de CO2.
Le choix écologique des technosables produits via l’oxydation par voie humide remédie à ces inconvénients. « Cette technologie de traitement des boues préserve l’environnement car c’est une alternative à l’épandage des boues et ses conséquences : stockage, nuisances olfactives, besoins en terrains disponibles, gestion des germes pathogènes et polluants émergeants », énumère la communauté de communes.
Les technosables, stockés sur place, sont mis gracieusement à la disposition des entreprises locales dans le cadre des futurs chantiers publics pilotés par la collectivité. « Il n’est pas prévu de les vendre », indique M. Leroy. « Ils ne vont pas nous apporter des ressources mais nous épargner des dépenses ».
Veolia a déjà reçu la visite d’une dizaine de délégations étrangères pour leur présenter la station d’épuration, venues notamment de Chine, de Corée du sud et des États-Unis, trois pays qui se sont montrés particulièrement intéressées par ce nouveau matériau durable.
© AFP
3 commentaires
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Patrick
les boues polluées du vignobles devraient retourner de la ou elles viennent dans le vignoble.
Aux viticulteurs d’éviter de les polluer….
Francis
Cette technique est très bien pour neutraliser les métaux lourds,qui contrairement à ce que dit Patrick,se trouvent de façon naturelle dans les sols. Par contre le phosphore,la potasse,la magnésie et les oligo-éléments utiles ont pour vocation à y retourner. La difficulté est bien-sûr de faire le tri……
Daniel Jagline
On commence à voir émerger de toutes part des tentatives de réductions des coûts de traitements des divers déchêts, dans lesquels je placerais ici pour une raison de simplification les eaux usées, avec parfois même la création de filières de valorisation, outre les dangers inérant au risque de créer ainsi les conditions pour entretenir les conditions de création de ces déchets devenus valeur, ne risque-t-on pas également de favoriser la concentration d’éléments incorporant des polluants, et de les disséminer ?
Le commentaire de « Francis » me fait me poser cette question, en effet outre les éléments qu’il a listé, n’y a-t-il pas aussi dans ces « technosables » des résiduts de polluants chimiques qui auraient pu ne pas être éliminés par les différentes étapes misent en oeuvre pour arriver au produit final ?