Le Burkina fait un virage à 180 degrés et renonce au coton génétiquement modifié

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Des paysans burkinabés entassent le coton dans des sacs à Pama, au centre du Burkina Faso, le 22 avril 2007 © AFP/Archives ISSOUF SANOGO

Ouagadougou (AFP) – Seul pays d’Afrique de l’Ouest à s’être lancé dans l’agriculture biotechnologique au début des années 2000, le Burkina Faso a fait un virage à 180 degrés en annonçant renoncer au coton transgénique.

Quelque 4 millions des 19 millions de Burkinabés vivent directement ou indirectement de l' »or blanc », principal produit d’exportation et première source de devises du pays depuis la colonisation avant d’être détrôné par l’or en 2009.

Considéré comme un laboratoire pour le continent, le Burkina a jeté l’éponge la semaine dernière – au moins provisoirement – en assurant que le coton génétiquement modifié (CGM) n’était pas rentable.

« La fibre de coton que nous produisons aujourd’hui est devenue courte », et donc plus difficile à filer, « ce qui signifie que sur le marché c’est une activité qui n’est plus très intéressante pour nous », a expliqué à l’AFP le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré.

« Le gouvernement a pris des dispositions pour stabiliser la filière » et injecté de l’argent pour aider les producteurs, a-t-il ajouté.

L’Association interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB) a décidé d’aller « vers le 100% conventionnel », a confirmé le 5 avril Wilfried Yaméogo, directeur de la principale société cotonnière du pays, la Sofitex.

« C’est une bataille de gagnée », s’est félicité Christian Legay du Conseil national de l’agroalimentaire biologique qui regroupe des associations de consommateurs et d’agriculteurs et milite pour un moratoire de 5-10 ans sur les OGM au Burkina.

Toutefois, ce sont des raisons de rentabilité qui ont poussé au renoncement. Autrefois très apprécié sur le marché mondial pour sa pureté et la longueur de sa fibre, le coton burkinabè a décliné.

Cela a fait perdre son label au coton burkinabè, occasionnant des pertes évaluées à 48,3 milliards de FCFA (70 millions d’euros) pour la période 2011-2016.

Il y a quinze 15 ans, le coton CGM avait généré d’immenses espoirs. On parlait alors de résistance à la sécheresse dans ce pays sahélien et d’éradication des parasites, notamment des chenilles « hélicoverpa armigera » qui ont ruiné des milliers de paysans en 1991, 1996 et 2000.

On promettait aussi une réduction du nombre de traitements phytosanitaires (pesticides) et de meilleurs rendements, avec une augmentation de 50% à 90% de la production.

En 2003, le Burkina avait accordé des autorisations d’expérimentation à Monsanto et à la multinationale suisse Syngenta. En 2007, le pays a lancé la production à grande échelle du coton transgénique et, à partir de 2009, les autorités ont ordonné aux paysans d’en ensemencer jusqu’à 80% de leur production, permettant une réduction du temps et de la pénibilité au travail.

« Avec le coton CGM on a deux traitements, avec le conventionnel on en a six. Les traitements, ça fatigue », témoigne Célestin Dala, cotonculteur dans le Nayala (Ouest).

Toutefois, Célestin Dala, comme les sociétés cotonnières, souligne qu’il n’y a pas eu d’augmentation des rendements.

Des chercheurs, leaders politiques ou de la société civile s’étaient montrés critiques dès le lancement. « Le principe de précaution n’a pas été respecté », affirme Jean-Didier Zongo, généticien à l’Université de Ouagadougou, accusant Monsanto de pratiques « criminelles » et d’avoir fourni des variétés insuffisamment testées.

Le président burkinabè a toutefois confié à l’AFP que le pays « poursuivait les discussions avec Monsanto ».

Certains espèrent des dédommagements du géant américain qui parie sur une nouvelle variété de coton biotechnologique pour la campagne 2020-2021.

« Ce que nous réclamons à Monsanto, c’est la correction technique de sa variété, de manière à ce que nous puissions aller sur le marché avec de la fibre conforme aux exigences », affirme M. Yaméogo.

Georges Yaméogo, conseiller technique à la Sofitex, assure qu' »il n’y a pas de rupture » avec Monsanto. « Si dans 3, 4 ou 5 ans, ils trouvent une solution, il n’y a pas de raison qu’on ne reparte pas vers les OGM. C’est un recul tactique, pas un rejet total des OGM ».

Pour Christian Legay, « les inquiétudes, ce sont les expérimentations en cours sur les céréales, notamment le maïs, le sorgho et le nimbé, avec Monsanto ».

Mais, souligne-t-il, la renonciation du Burkina au CGM est un « bon avertissement pour les autres pays d’Afrique qui étaient tentés ou incités par le gouvernement américain et courtisés par les firmes d’agrobusiness ».

© AFP

2 commentaires

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    • Robert BIGEAT

    Le recours aux OGM est une erreur monstrueuse, tout comme le fut le recours au nucléaire. car tout est faux, mensonger, désinformateur dans les prétentions techniques et commerciales des firmes qui produisent ces poisons pour l’agriculture. Aux Indes déjà des dizaines de milliers de paysans, ruinés, se sont suicidés il y a quelques années, par la faute du recours aux OGM.
    OGM et nucléaire relèvent du crime, global et majeur, contre la biosphère et donc l’humanité.
    La place des dirigeants des firmes productrices d’OGM, c’est la taule à régime sévère en tant que criminels.

    • Elembo yangotikala jean-christophe

    Je partage entièrement les commentaires de Robert BIGEAT. La sauvegarde de l’ordre de la création ou si vous voulez de l’ordre naturel doit être notre préoccupation pour une agriculture qui ne se transformera pas en poison pour le consommateur.Coup de chapeau au gouvernement de Bourkina pour cet acte qui doit interpeller quiconque s’hasarderait dans l’aventure transgénique.

Le journaliste Thomas Blosseville, auteur du Nucléaire (presque) facile ! : « on peut légitimement se demander si le nucléaire est une solution pour le monde tel qu’il sera dans les prochaines décennies »

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