Ecatepec (Mexique) (AFP) – Fabiola est une jeune Mexicaine au physique svelte, de taille moyenne. Un homme à la carrure imposante la menace avec une arme à feu, prêt à appuyer sur la détente. Dans un mouvement vif, Fabiola lui tord le doigt, s’empare de l’arme et met en joue son agresseur.
Cette future infirmière de 24 ans pratique depuis cinq ans le tangsudo, un art martial coréen, dans un centre sportif de l’un des quartiers les plus pauvres d’Ecatepec, aux rues à peine éclairées.
Cette municipalité de 1,6 million d’habitants, située dans la banlieue de Mexico, se dispute avec la tristement célèbre Ciudad Juarez, à la frontière avec les États-Unis, la première place en terme de féminicides au Mexique.
Chaque semaine, des cadavres de femmes sont trouvés sur les collines environnantes ou dans les canaux charriant les eaux usées de la ville.
Sur les 600 assassinats de femmes recensés ces quatre dernières années dans l’État de Mexico, la majorité a été perpétrée à Ecatepec.
Ne pouvant compter sur la protection de la police, des femmes ont décidé de prendre leur sécurité en main et fréquentent régulièrement des centres d’arts martiaux qui leur proposent des cours d’autodéfense, tel celui de Xtreme Martial Arts.
« Reculer ne sert à rien! », crie le professeur Mario Ramirez à une adolescente de 15 ans qui reçoit des coups de poing et des coups de pied d’une jeune de 23 ans. « Il n’y a pas de loi à Ecatepec », lance-t-il.
Les élèves apprennent ici à se défendre et à « vivre en faisant attention, en observant tout », raconte Fabiola, dont la propre nièce de 15 ans a été assassinée à Ecatepec.
« Moi, dans mon école, je voyais qu’ils enlevaient des filles, alors je me suis dit qu’il fallait que je me défende », explique une adolescente de 15 ans, ceinture verte de tangsudo.
D’autres, encore plus jeunes, telle Kenya, 9 ans, suivent ces cours car elle sait qu’elle risque à tout moment d’être « séquestrée, écartelée », dit-elle.
Les dépouilles de femmes retrouvées dans la ville portent des traces de violences et d’abus en tous genres: brûlures et visages parfois défigurés.
« Ces crimes sont commis avec une haine évidente » envers les victimes pour le simple raison qu’elles sont des femmes, il s’agit de féminicides, explique la responsable de l’Observatoire National des Féminicides, Maria de la Luz Estrada.
« A Ecatepec, le machisme se convertit en criminalité », analyse de son côté Manuel Amador, coordinateur du Réseau Féminicides Etat de Mexico. Ces crimes se déroulent sous les yeux du gouvernement à qui, « semble-t-il, les victimes importent peu », déplore-t-il.
Depuis 2011, les autorités judiciaires ont ouvert 254 enquêtes pour féminicides supposés, mais seuls 72 cas ont pour le moment donné lieu à des condamnations, informe Dilcia Garcia, sous-procureure de l’Etat de Mexico en charge de ce type de crimes.
Devant l’ampleur des violences commises envers les femmes, le gouvernement mexicain a lancé en juillet 2015 un plan d’action à Ecatepec et dans dix autres municipalités de l’État de Mexico, dont les résultats se font toutefois attendre.
Ecatepec est « trop étendu » et les 5.000 policiers qui patrouillent dans ses rues obscures et isolées sont « en nombre insuffisant », analyse la sous-procureure. Le gouvernement a promis des ressources pour lancer des initiatives ciblées en faveur des femmes, mais elles n’ont toujours pas été versées.
Que des femmes et même des enfants à partir de 6 ans, pour les plus jeunes, suivent cette formation d’auto-défense est une bonne chose, estime la magistrate, c’est une preuve de « maturité citoyenne ».
« Si Ciudad Juarez horrifie le monde, alors Ecatepec doit tous nous horrifier », estime Azucena Cisneros, présidente de l’association Mestizas qui milite pour l’égalité des droits entre citoyens.
Selon les chiffres officiels, 47% des Mexicaines de plus de 15 ans ont subi une forme de violence au cours de leur vie.
© AFP
Un commentaire
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c
Tous ça c’est bien beau , mais il faut savoir que faire quand on a un mec ou deux devant soi avec une arme à feu ou un coupe coupe la théorie c’est toujours facile mais devant le fait accompli comment réagir ? ça c’est une autre paire de manches !