Paris (AFP) – Les cerises françaises peuvent-elles résister aux attaques dévastatrices d’un moucheron sans diméthoate, un insecticide récemment interdit ? Les agriculteurs s’inquiètent de l’absence de traitement alternatif, alors que les fruits presque mûrs seront particulièrement vulnérables dans quelques semaines.
Pour la Confédération paysanne, 3e syndicat agricole, le problème du diméthoate est un « cas d’école ».
« Dans cette affaire, l’Etat est face à un double impératif : celui de la protection de la santé publique, et celui de la survie des producteurs de cerises », écrivait récemment le syndicat dans un communiqué.
Le diméthoate, un insecticide organophosphoré, déjà interdit pour la plupart des productions mais encore autorisé pour les cerises, a été retiré du marché le 1er février par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
L’Anses pointe des « risques inacceptables » pour le consommateur, les cultivateurs ainsi que pour les oiseaux et les mammifères.
Mais les producteurs de cerises français se disent du coup démunis face à la drosophile suzukii, un moucheron invasif arrivé en France vers 2010, qui a pour particularité de s’attaquer aux fruits en train d’arriver à maturité.
Ce moucheron de 2mm, qui se reproduit à une vitesse fulgurante, s’attaque surtout aux fruits rouges, aux tomates, et peut détruire la totalité de la production d’un verger.
« Nous risquons de faire faillite. L’Etat a accordé à mon fils le droit de s’installer mais ne lui donne pas les moyens pour lutter contre la drosophile suzukii », déplore François Soubeyran de la FDSEA Ardèche. Ses 20 hectares de cerisiers représentent 96% de son revenu.
D’autres molécules chimiques peuvent être utilisées, comme les spinosines ou le cyantraniliprole, mais « elles sont 8 à 10 fois plus chères que le diméthoate et peu efficaces étant donné la rapidité de reproduction du moucheron », explique Emmanuel Aze, de la Confédération paysanne.
Les filets anti-insectes qui pourraient servir de parade coûtent bien trop cher: 20 à 30.000 euros/hectare.
« Je me pose la question de régler le problème à la tronçonneuse, comme beaucoup », et de me concentrer sur d’autres fruits moins problématiques, regrette M. Aze, pourtant très concerné par l’environnement, qui a renoncé à utiliser le diméthoate au vu de sa toxicité élevée.
« Le diméthoate reflète de manière très explicite que pour sortir des pesticides, il y a un problème de coût », regrette-t-il.
« Si on ne fait rien, on n’aura plus de cerises en France dans trois ans », estime Luc Barbier, président de la section fruits de la FNSEA, syndicat majoritaire.
Non seulement parce que les arboriculteurs risquent d’abandonner les cerises. Mais aussi parce que les importations, qui représentent déjà la moitié de la consommation française de cerises, pourraient grimper en flèche depuis les pays où le diméthoate est encore autorisé, comme en Espagne ou en Turquie.
La FNSEA, syndicat agricole majoritaire, a donc demandé au ministère de l’Agriculture une dérogation de 120 jours, le temps de pouvoir traiter les cerisiers au diméthoate fin avril-début mai, avant que les cerises commencent à rougir et à attirer les moucherons gourmands de sucre.
Stéphane Le Foll a choisi cette semaine une stratégie différente, assurant qu’il s’agit de préserver les intérêts économiques des producteurs tout en protégeant le consommateur.
Le ministre a demandé à la Commission européenne d’interdire en urgence le diméthoate dans toute l’UE, ainsi que la mise sur le marché de cerises provenant de pays ou d’Etats membres dans lesquels l’insecticide est autorisé.
Sans réponse de Bruxelles d’ici mardi prochain, la France déclenchera une clause de sauvegarde nationale pour interdire la commercialisation dans l’Hexagone de cerises traitées au diméthoate, une mesure très rarement déclenchée.
La Confédération paysanne demande une prise en charge partielle des pertes et un plan national d’aide pour financer l’installation des filets.
© AFP
6 commentaires
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zorglub
Excellent, la santé des agriculteurs sauvée malgré eux. La réponse de mr Le Foll est intéressante mais insuffisante, il faudrait un financement pour des filets…
Eglantine
Il n’y a pas de prédateurs naturels ? les oiseaux ? Ah, déjà empoisonnés par les précédents insecticides ?
venus46
Des normes, ms les fruits et légumes
de l’étranger n’en ont pas, et l’agriculture française sera détruite
lacroix franck
Je préfèrerais voir dans votre titre concernant l’article: LES CONSOMMATEURS RASSURES APRES L’INTERDICTION D’UN INSECTICIDE, merci
Mona
Un purin de tanaisie. .. ou autre plante répulsive. Cela existe, qu’ils se renseignent auprès des laboratoires de recherches en bio.
Ne lâchons rien, interdisons tous les pesticides, insecticides, herbicides.
Leur santé et la nôtre avant tout….
dany
Très bien dit, Mona, comme dit plus haut dans l’article : 20 Ha de cerises …
ça s’appelle de la monoculture, et il est partffaitement reconnu que ce mode de culture attire les prédateurs qui eux sont heureux et content d’y trouver leur pitence et moyen de reproduction.
C’est comme les énorme stabulation et les 1 000 vaches qui sont sous traitements médicamenteux toute l’année pour éviter les épidémies.
sop à la monoculture & du « mono-élevage ». Beaucoup trop de maux viennent de là.