Karlsruhe (Allemagne) (AFP) – Trois opérateurs de centrales nucléaires dont le suédois Vattenfall sont venus réclamer mardi devant les juges suprêmes allemands des indemnités pour la fermeture subite de leurs plus vieux réacteurs ordonnée par Berlin en 2011, après Fukushima.
Si les juges leur donnaient raison sur le principe d’une indemnisation, les intéressés pourraient exiger de l’Etat allemand plusieurs milliards d’euros – au moyen de procès portant sur les différentes centrales concernées. Dans la presse circule le chiffre cumulé de 15 milliards d’euros.
EON, RWE et Vattenfall ont déposé dès 2012 une plainte contre le gouvernement, qui a décidé juste après la catastrophe de Fukushima de l’arrêt de huit réacteurs nucléaires – d’abord pour trois mois, puis de manière définitive, une décision entérinée par le Bundestag.
Les énergéticiens estiment avoir été « expropriés ». « Il ne s’agit pas d’une question politique ou d’être pour ou contre le nucléaire », a expliqué en amont de l’audience le patron du numéro un allemand de l’énergie EON, Johannes Teyssen. « La question est simplement: a-t-on le droit, du jour au lendemain, de priver les gens – (…) puisque nous appartenons à des gens – de leur patrimoine, sans indemnisation? ».
« Nous respectons la décision » prise par le gouvernement en 2011, a précisé M. Teyssen devant les juges. « Mais nous ne pouvons pas accepter sans rien dire que le législateur enfreigne la Loi fondamentale et ne prévoie pas de compensation ».
Toutes les parties seront entendues pendant deux jours d’audience à Karlsruhe (sud-ouest) mardi et mercredi. Mais la décision de la Cour constitutionnelle n’est pas attendue avant plusieurs mois.
L’Allemagne avait décidé dès 2000 de se passer du nucléaire, mais en 2010 le gouvernement d’Angela Merkel était revenu sur cette décision. Avant de changer à nouveau d’avis au printemps 2011, ordonnant d’un coup l’arrêt de huit réacteurs jugés dangereux et programmant la fermeture de tous les autres à l’horizon 2022. A l’heure actuelle, huit réacteurs sont encore en activité.
Devant les difficultés des producteurs d’énergie – à cause notamment des prix très bas du courant sur les marchés de gros -, des inquiétudes ont surgi sur le financement du démantèlement des centrales, qui coûtera des milliards d’euros à la charge des opérateurs. Une commission mise en place par le gouvernement réfléchit à différents modèles, dont par exemple un fonds géré par l’Etat, pour s’assurer que le moment venu les provisions constituées par les opérateurs soient mobilisables.
Certains observateurs ont spéculé sur un possible arrangement entre Berlin et les opérateurs, ceux-ci retirant leur plainte en échange d’un modèle accommodant de financement du démantèlement. Mais « le gouvernement ne fera pas d’arrangement », a prévenu avant le début de l’audience mardi la ministre de l’Environnement Barbara Hendricks, venue exposer la position de Berlin.
Le quatrième propriétaire de centrales nucléaires du pays, EnBW, aux mains de l’Etat régional du Bade-Wurtemberg dirigé par les Verts, ne s’est pas joint à la plainte de ses pairs.
© AFP
4 commentaires
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Robert BIGEAT
C’est une honte de devoir lire ça de la part d’entreprises d’électricité, qui, et pendant des décennies, des années 1970 jusqu’en 2011 ont largement profité d’un système opaque privatisant les profits à leur intention et socialisant les frais et risques sur le dos des contribuables.
C’est en effet plus de 200 milliards d’argent public pris aux contribuables allemands, chiffres publiés dans la presse allemande, qui ont rendu possilble le nucléaire allemand des années 1970 jusqu’en 2012
Maintenant les monstrueux frais des démantèlements de réacteurs en fin de vie et d’enfouissement de montagnes de déchets nucléaires mortels acculent à la faillite prévisible ces entreprises qui, en prédateurs sans scrupules, exploitèrent des réacteurs nucléaires lors des ères politiques franco-allemandes Giscard-Schmidt, puis Kohl-Mitterrand.
Une étude d’un cabinet d’études spécialisé de fin 2015 a en effet révélé que les provisions constituées pour démantèlements et déchets nucléaires à enfouir en Allemagne, bien que très supérieurs aux montants ridicules provisionnés en France, demeuraient encore insuffisantes. Qui doit payer ? Si ce sont les entreprises privées d’électricité, elles se retrouvent ruinées. D’où le cinéma auquel on assiste ces jours-ci et c’est encore le contribuable allemand qui devra forcément au final, payer pour ce mauvais film des dérapages financiers du nucléaire.
Phebe Archer
When will those who still advocate the use of nuclear plants wake up? The problem of the existing plants is obviously their disposal and the radioactive waste. I think human brains need to be reprogramed to think preventively, ahead, to the future, before building for financial profit. When will Man become gentle with our Earth? Too late?
Grossmann
Le coût du démantèlement des centrales en fin de vie n’étant pas inclus dans le prix de revient de l’électricité cela revient à dire que l’électricité nucléaire est vendue en dessous de son prix de revient, ce qui je crois est contraire à la loi.
Il n’y a pas certes pas que le chauffage de l’habitat, mais pour poste autant énergivore voire plus que le transport et l’industrie un prix de vente du kWh électrique deux fois plus élevé couvrant probablement les frais de démantèlement une pompe à chaleur ayant un coefficient de performance (COP) modeste de 4 entraîne pour l’utilisateur des frais de chauffage deux fois plus faible que l’effet joule.
Mona
Et qui va ENCORE payer la facture…?
En France, la facture comprend plusieurs taxes en plus de la consommation et l’on va nous imposer des compteurs Linky polluants et à quel prix…?
Refusons-les en masse….!!!