Paris (AFP) – Trois ans après son entrée dans le traitement des déchets nucléaires, Veolia a décidé « d’accélérer » sur ce marché estimé à 210 milliards de dollars d’ici 2030, en rachetant l’américain Kurion, spécialiste de la décontamination déjà présent à Fukushima.
En déboursant 350 millions de dollars pour racheter Kurion, Veolia crée enfin sa « filière intégrée » de traitement des déchets nucléaires annoncée depuis 2013. Jusqu’à présent, le groupe français n’avait injecté que 5 millions d’euros dans sa filiale Asteralis.
« Le marché a commencé à décoller réellement en 2015. Il offre désormais des possibilités de consolidation. La plus belle de ces opportunités s’appelle Kurion (…) Elle était disponible et j’ai donc décidé que c’était le moment d’accélérer pour l’acquérir », a déclaré Antoine Frérot, le PDG de Veolia, lors d’une conférence de presse mercredi.
Fondé en 2008 et basé à Irvine en Californie, Kurion est également implanté au Royaume-Uni et au Japon, où ses technologies lui ont permis d’être « le seul opérateur international à intervenir à ce jour à Fukushima pour le compte de Tepco », le géant public de l’électricité japonaise, souligne Veolia dans un communiqué.
L’entreprise américaine maîtrise en effet l’accès robotisé aux zones irradiées, la séparation des éléments radioactifs (césium, strontium, iridium…) présents dans les déchets ou l’eau contaminée et leur « stabilisation » par vitrification.
La société emploie 200 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 100 millions de dollars en 2015, quand Asteralis plafonnait à 20 millions de dollars.
L’objectif est désormais d’atteindre les 350 à 400 millions de dollars d’ici 2020, dont 250 millions dans le traitement des déchets faiblement radioactifs, qui constituent l’immense majorité des volumes produits par les centrales nucléaires, les centres de recherche atomique et les hôpitaux.
« L’enjeu c’est de diminuer ces volumes pour pouvoir traiter cette faible radioactivité (…) Nous la rendrons inerte et non dangereuse avant de la stocker », a expliqué M. Frérot, qui exclut de s’engager dans la gestion des combustibles usés car « c’est le marché d’autres spécialistes, notamment Areva ».
Veolia entend par ailleurs « adapter au monde nucléaire » ses savoir-faire dans les traitements de l’eau, des déchets toxiques et des sols pollués, mais aussi dans le décapage et la découpe au jet d’eau à haute pression.
S’il y parvient, le groupe « disposera très certainement de la meilleure, peut-être de la seule gamme complète au monde pour assainir les équipements irradiés », a-t-il affirmé, ajoutant que « l’offre n’est pas encore totalement existante, notre ambition c’est d’être le premier à la proposer ».
Cette nouvelle activité doit répondre à une demande soutenue, avec 100 à 150 réacteurs à l’arrêt ou en passe de l’être dans les 15 prochaines années et une cinquantaine de centres de recherche à démanteler dans le monde.
Le marché global des nouveaux métiers nucléaires de Veolia est évalué à 210 milliards d’euros d’ici 2030 par le cabinet Roland Berger, mais le groupe va « essentiellement se concentrer en première étape » sur les quatre pays où il est déjà présent (Etats-Unis, France, Japon et Royaume-Uni), a précisé M. Frérot.
« Ça représente un chiffre d’affaires de 6 à 7 milliards de dollars en moyenne » chaque année, répartis à parts équivalentes entre traitement des déchets et des équipements radioactifs, a-t-il précisé.
En revanche, les « discussions avec des partenaires possibles » en Allemagne, évoquées en 2014 par un responsable local de Veolia, n’ont « pas eu de suite » car le sujet du démantèlement des centrales nucléaires dans ce pays « n’est pas encore tranché », a-t-il signalé, ajoutant que ce marché, « le jour où il sera ouvert, nous intéressera au premier chef ».
Pour conforter son nouveau statut de spécialiste de la dépollution nucléaire, Veolia envisage déjà « d’autres opérations de consolidation ». L’acquisition « de moyenne taille » de Kurion « sera complétée, si elle l’est, par des acquisitions de petite taille », a-t-il prévenu.
© AFP
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