Abandon définitif du projet du grand barrage de Sivens

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Le site de Sivens le 6 mars 2015, où un policier est en faction sur les hauteurs lors des opérations d'évacuation © AFP/Archives PASCAL PAVANI

Toulouse (AFP) – Après deux années de controverses et des manifestations marquées par la mort de Rémi Fraisse le 26 octobre 2014, le projet initial de grand barrage à Sivens a été abandonné par l’Etat qui va ouvrir des discussions pour une retenue d’eau moins ambitieuse.

L’arrêté d’abandon de la retenue d’eau de Sivens prévoyant l’abrogation de la déclaration d’intérêt général du projet a été signé jeudi, veille de Noël, par le préfet du Tarn et son collègue du Tarn et Garonne. Cet arrêté est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif de Toulouse, précise le texte.

« C’est un joli cadeau de Noël pour les Tarnais », a réagi à l’AFP le président socialiste du Tarn, Thierry Carcenac, pour lequel cette signature va permettre à l’Etat « de dédommager le département » conformément au vote de son assemblée du 11 décembre.

L’accord transactionnel porte sur une compensation de 3,4 millions d’euros sur l’abandon du projet: 2,1 ME pour les dépenses en pure perte et 1,3 ME pour réhabiliter la zone humide.

Le barrage de Sivens a suscité dès son origine une vive contestation. La zone a été occupée et a été à l’origine de manifestations avec des heurts lors desquels le militant écologiste Rémi Fraisse a été tué par une grenade offensive lancée par un gendarme. L’enquête est toujours en cours.

L’officialisation de cet abandon, pourtant annoncé depuis mars dernier, a été critiqué par le sénateur DVD du Tarn et Garonne, François Bonhomme, lequel avait révélé sur Twitter la signature « en catimini » de l’Etat. Il a dénoncé un « gâchis », une « capitulation » et un « Noël de la lâcheté ».

« Ce sont des gens qui ne connaissent rien au dossier et qui s’expriment pour faire monter la mayonnaise », lui a rétorqué le président de l’assemblée départementale et collègue au sénat M. Carcenac.

Cet arrêté va permettre au contraire d’engager les discussions sur la nouvelle retenue d’eau qui va s’inscrire « dans l’un des premiers projets de territoire » voulus par la ministre de l’Environnement Ségolène Royal, a relevé M. Carcenac.

Pour le sénateur, le gouvernement a prévu une méthode de concertation. Cependant, il a rappelé qu’un « choix a déjà été arrêté » et le « besoin d’eau » pour l’agriculture a été reconnu » par les experts du ministère.

« Il reste le volume de la retenue à déterminer. Ce sera fait en fonction du besoin des agriculteurs », a assuré M. Carcenac, soulignant que le nouveau projet « pour être conforme aux directives européennes » doit prévoir « une continuité écologique du ruisseau ». Ce n’était pas le cas de l’ancien.

L’arrêté « ne remet pas en cause le projet de Sivens », a déclaré à l’AFP Xavier Beulin, président de la FNSEA. Pour lui, il s’agit seulement d’un « recalibrage du projet » initial et la profession « attend la réalisation de cet ouvrage pour des questions agricoles et de salubrité ».

Surnommée le « Sivens light », la nouvelle retenue pourrait être construite en amont et devrait représenter la moitié de l’ancien projet.

Cette nouvelle version est déjà fortement contestée. José Bové, député européen écologiste préconise ainsi « plusieurs retenues avec des petits lacs collinaires », « une meilleure utilisation des retenues existantes dans la zone » ou de revoir les types de cultures car « il va y avoir une raréfaction de l’eau ».

Le chef de file EELV du prochain conseil régional Midi Pyrénées, Gérard Onesta, souhaite « un débat serein » et réclame avant toute décision une « vraie réflexion de fonds », notamment sur le type d’agriculture qui doit être pratiqué.

Selon M. Onesta, l’accord « de nouvelle gouvernance » qu’il vient de signer avec la future présidente de la région, la PS Carole Delga permettra d’étudier toutes les hypothèses et pourrait amener à organiser une consultation de la population.

Enfin, Ben Lefetey, porte-parole du Collectif Testet, qui regroupe des opposants, trouve « le nouveau projet est tout aussi aberrant que l’ancien ».

Privilégiant la « mise en place d’autres alternatives », ce leader de l’opposition souhaite d’abord que le TA de Toulouse reconnaisse « clairement l’illégalité » de la déclaration d’utilité publique et de la dérogation sur les espèces, deux aspects non pris en compte, selon lui, par le récent arrêté. Mais de prévenir aussi: « s’il y a volonté de passer en force, on s’opposera », prévient-il.

© AFP

4 commentaires

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    • Oskar Lafontaine

    Il y a là clairement, de la part du gouvernement, une volonté de « sauver les meubles et les apparences ».
    Si le projet, ou un autre de moindre envergure, avait été économiquement défendable, à défaut de l’être écologiquement, et il est largement avéré qu’au plan écologique il ne l’était pas du tout, il n’était nul besoin de recourir à l’action publique pour le réaliser, les banques en effet prêtent pour les projets industriels ou assimilés, qui semblent pouvoir « tenir la route », c’est-à-dire pour les banques, qui permettent le remboursement des prêts qu’elles auront consentis. Or tel n’était pas le cas dès le départ de ce projet de barrage à priori mafieux, carit jamais la vente des récoltes agricoles supplémentaires liées à l’irrigation, n’aurait autorisé un remboursement, même partiel, des prêts consentis, d’où le recours à la garantie de remboursement du Conseil général, c’est-à-dire que ce sera aux contribuables du département de payer pour des revenus supplémentaires à des privés !!!. On était là, et on est toujours en plein délire !
    Il y a d’autres solutions agricoles d’abord à étudier, comme les cultures de sorgho, aliment aussi pour le bétail, bien moins consommatrices d’eau, plutôt que celles de maïs.
    Par ailleurs l’avenir semble plutôt être, pour ces zones agricoles qui deviennent de plus en plus arides avec le changement climatique, dans un panachage entre cultures et panneaux solaires photovoltaïques, qui dispensent, quand judicieusement posés en alternance, de l’ombre, qui fait économiser l’eau et produisent avec l’électricité un revenu supplémentaire pour les exploitants des terres. Des démonstrations concluantes en ont déjà été faites.

  • Dès le départ de cette triste affaire le petit monde du Canoë-Kayak a été solidaire des défenseurs de l’environnement et de la bataille qui s’est engagée à Sivens concernant la préservation de notre zone humide du Testet sur un affluent rive droite du bas Tarn
    Voir http://rivieres.info/patri/Sivens-plainte.htm
    Il rend hommage à la persévérance de Madame Royal qui a réussi à solutionner ce grave problème en préservant les intérêts locaux et l’environnement.
    Voir http://rivieres.info/patri/Introduction.htm

    Balendard février 2016

    • Jenr

    C’est sûr, ce maïs en France est une hérésie, dans maints departements , à remplacer par le lupin , sorgho, et autres …

    • mona

    Et encore un projet fou qui…. tombe à l’eau. Heureusement.
    Malheureusement, cela aura coûté cher aux contribuables. Surtout locaux sans aucun doute…. Les forces de l’ordre déployées, il faut les payer… Et très cher…!!
    Un exemple de gaspillage.
    Le bon sens manque beaucoup chez nos politiques. Il faut dire que si ce projet aboutissait.. des sommes inavouées seraient passées de mains en mains, comme toujours.
    Les Sociétés de travaux publics sont très généreuses pour l’obtention des permis…
    Scandaleux….!!
    Les mafias existent bel et bien en France comme ailleurs… Le fric, toujours le fric…!!