Shanghai (AFP) – Fils d’arboriculteurs, Chen Jian savoure les fruits de son accession à la classe moyenne, prenant sa voiture pour se rendre au travail ou l’avion pour partir en vacances -illustration d’une empreinte carbone en forte croissance à mesure que les 1,4 milliard de Chinois gagnent en prospérité.
M. Chen, 33 ans, a grandi sans la télévision dans un village des abords de Shanghai. Il conduit tous les jours sa Chevrolet Lova -une moyenne cylindrée- pour rejoindre l’entreprise étrangère où il est cadre, en attendant de monter dans l’avion qui l’emmène en vacances dans le sud-est asiatique.
« Ma famille vient d’un milieu économique pauvre », dit-il en sirotant une eau gazeuse dans un luxueux hôtel du centre de la capitale économique chinoise.
« Je suis un enfant de la campagne », dit-il. Aujourd’hui encore, il sait tout faire dans le verger familial où s’alignent les pêchers plantés par ses parents.
Chen Jian est à lui seul une illustration de la mutation de la Chine, de plus en plus citadine. Le Parti communiste chinois (PCC), parti unique, fonde sa légitimité sur la hausse du niveau de vie de la population la plus nombreuse de monde.
Depuis qu’il a opté pour un « socialisme de marché », le PCC a présidé à un développement économique sans précédent, donnant naissance à une classe moyenne de quelque 300 millions de Chinois, urbains pour la plupart.
Premier marché mondial pour les automobiles et les smartphones, la Chine est aussi le premier pollueur de la planète, pour avoir émis entre neuf et 10 milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère en 2013.
Le « miracle économique » de la deuxième économie mondiale s’est traduit par une prolifération d’usines fumantes qui en ont fait « l’atelier du monde », créatrices d’emplois mais aussi sources d’inquiétudes qui seront au coeur, le mois prochain, de la conférence de Paris, sur la capacité du pays à réduire ses émissions.
Seuls 18% des Chinois pensent qu’un changement climatique leur poserait « un grave problème », et ils ne sont que 15% à penser que le phénomène les touchera durant leur vie, selon une récente enquête réalisée par le Pew Research Center.
Quand Chen Jian prenait le bus pour rendre visite à sa famille depuis chez lui dans le centre de Shanghai, cela lui prenait deux heures et demi. En voiture, c’est maintenant 45 minutes: les transports en commun ne soutiennent pas la comparaison.
Et il compte s’acheter une deuxième voiture. Ses collègues lui suggèrent une Mercedes, « parce que c’est mon style », dit-il.
« Si j’allais au travail en vélo, cela me ferait trop loin », et puis, dit-il, « conduire une voiture, c’est une forme de liberté ».
Cela n’a pas échappé à ses concitoyens : plus de 260 millions de véhicules circulaient l’an dernier sur les routes chinoises, dont 23 millions achetés en 2014.
Mais la prochaine voiture de M. Chen sera électrique.
Car, polluées et saturées, au moins huit grandes villes chinoises, dont Shanghai, ont instauré des restrictions quant au nombre de véhicules. A Shanghai, l’obtention d’une nouvelle plaque d’immatriculation se fait par voie d’enchères, et aux prix fort, tandis que la procédure est désormais gratuite pour les véhicules électriques.
Soit une forte incitation à se mettre au « vert ».
Car Chen en convient, « si l’air à Shanghai est si mauvais, c’est surtout à cause des usines, mais les voitures sont aussi un gros problème ».
L’électricité des usines leur est fournie par des centrales, le plus souvent à charbon – un combustible polluant dont le pays est le premier producteur et consommateur.
L’entreprise de fabrication de matelas où Chen travaille, qui dispose de trois sites en Chine, affiche un taux d’émissions polluantes proche de zéro, assure-t-il: « Nos usines sont totalement différentes des usines locales ».
En attendant, il rêve avec son épouse de reprendre un jour les vergers de ses parents, où les pêchers croulent sous leurs fruits juteux.
Quant à la montée du niveau des mers qui menacerait Shanghai comme d’autres métropoles dans le monde, « ça ne sert à rien de s’en inquiéter maintenant, le risque est universel », dit Chen.
© AFP
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