Réchauffement climatique: +2°, la ligne rouge à ne pas franchir

2 degrés

Une maquette du globe déformée pour illustrer le réchauffement climatique qui menace la planète, une illustration réalisée le 8 novembre 2015 à Paris © AFP/Archives JOEL SAGET

Paris (AFP) – La communauté internationale s’est accordée dès 2009 pour limiter à 2°C la hausse de la température mondiale, afin de prévenir des impacts dévastateurs. Mais pour de nombreux pays, un tel réchauffement est déjà trop élevé.

43 Etats vulnérables ont, mi-novembre à Manille, appelé la Conférence climat de l’ONU à s’entendre sur un seuil de +1,5° par rapport aux niveaux d’avant la Révolution industrielle. Un sujet de débat supplémentaire pour la COP21, qui s’ouvre à Paris le 30 novembre.

Pourquoi 2°C ?

Ce seuil résulte d’un compromis politique, trouvé en 2009 à Copenhague.

L’UE avait été la première, en 2007, à fixer ses objectifs d’émission de gaz à effet de serre en fonction de cet horizon +2°, à la suite d’un rapport des scientifiques du GIEC.

Au-delà de cette limite, la science redoute un emballement aux effets irréversibles: événements extrêmes – cyclones, sécheresses…- répétés, chute des rendements agricoles, extinction d’espèces… A +2°, la mer montera de 40 cm d’ici 2100, mais à +4-5° de 80 cm et continuera sur sa lancée.

L’idée est que jusqu’à 2°, le monde peut s’adapter.

Mais est-ce trop ?

Un rapport d’experts de l’ONU l’a discrètement rappelé en juin, en pleines négociations climatiques à Bonn: le monde ne doit pas se penser à l’abri parce qu’il se limite à +2°.

La « rambarde de sécurité » serait plutôt « un seuil à 1,5° », relevait ce document, pour qui les 2° « devraient être vus comme une +ligne de défense+, une limite maximale à protéger à tout prix ».

Car, à près de +1° aujourd’hui, le réchauffement se ressent déjà: sécheresses, inondations, perte de récifs coralliens…

A +2°, il affectera particulièrement le niveau des océans, et leur acidification. Pour des îles comme Tuvalu ou Kiribati, c’est une question de survie. Mais pas seulement pour elles.

A long terme, Shanghai, Bombay ou New York seront en partie submergées, largement si le mercure gagne 4° (des territoires de 600 millions d’habitants aujourd’hui seraient concernés), moins si c’est 2° (280 millions), moins encore à 1,5 (137 millions), selon une étude américaine.

« Pour éviter la fonte du Groenland (soit 7 m de hauteur de mer supplémentaire), il vaut mieux rester dans la zone des 1,5°-1,9° », souligne le climatologue Jean Jouzel.

Pour 1,5°, est-il trop tard ?

A ce stade, le monde est sans doute parti pour un réchauffement d’au moins 1,5° (près d’1° déjà enregistré plus 0,6° lié aux gaz déjà émis, très persistants), selon le GIEC.

Les engagements actuels des pays, s’ils sont tenus, devraient conduire à +3°. D’où l’idée d’inclure dans l’accord de Paris une clause de révision des ambitions pour garantir 2°.

« Contenir le réchauffement sous 2°C reste faisable, mais pose de grands défis, technologiques, économiques et institutionnels », admet l’ONU. « Un effort qui nécessite une transition radicale » (énergies renouvelables, une agriculture moins émettrice de gaz, constructions peu gourmandes en énergie etc).

Pour rester sous 2°C, il faudra aussi des technologies de capture du CO2, estime le GIEC.

Bataille en vue à la COP ?

Les promoteurs du 1,5°, assurant représenter 108 pays, veulent se battre pour que cette limite soit mentionnée dans l’accord.

« Il faut avoir le 1,5° à l’esprit, pour que les petits Etats gardent confiance » dans le processus, dit le ministre Tony de Brum, des îles Marshall, pour qui de gros pays émetteurs feront sans doute de la résistance.

A deux semaines de la COP, au sommet du G20, des pays comme l’Inde et l’Arabie saoudite ont même contesté les 2°, inclus dans la déclaration finale après de longues tractations.

Parmi les promoteurs de l’accord, certains craignent qu’un nouveau débat sur l’objectif de températures soit contre-productif.

« Vouloir revenir à 1,5 serait un énorme risque, on mettrait les pays devant un mur trop haut. Car aujourd’hui pour faire 1,5 il faudrait pratiquement arrêter de respirer! », analyse Michel Colombier, chercheur à l’Institut des relations internationales (IDDRI).

En outre, « le 2° est utile car il est devenu un emblème politique, qui oblige les pays à se situer dans des scénarios d’émissions. 2° est déjà une grosse avancée ».

 

© AFP

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