Climat: les folles ambitions du Japon dans l’hydrogène

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Un réservoir d'hydrogène le 29 octobre 2015 à Tokyo © AFP YOSHIKAZU TSUNO

Tokyo (AFP) – En quête d’indépendance énergétique et de crédibilité écologique, le Japon, sixième émetteur de gaz à effet de serre, veut surprendre le monde en bâtissant une « société de l’hydrogène », de folles ambitions qui laissent sceptiques les experts.

Le pays a déçu ses partenaires avec son engagement de réduction des émissions de 26% entre 2013 et 2030, pris en amont de la conférence des Nations unies sur le climat de Paris, la COP 21. Mais il entend contribuer au débat grâce à son avance technologique dans l’hydrogène, dont l’immense avantage est de ne rejeter lors de sa combustion aucune substance polluante – seule de la vapeur d’eau est émise.

C’est la nouvelle obsession du Japon qui « a construit une vision sociétale sur le sujet en intégrant la dimension énergie et transports », résume Pierre-Etienne Franc, directeur des marchés et technologies avancés du groupe français Air Liquide, très impliqué sur le sujet.

« L’hydrogène est l’énergie du futur », selon le Premier ministre Shinzo Abe qui vise pas moins qu’un marché de 1.000 milliards de yens (7,5 milliards d’euros) par an pour la filière d’ici à 2030, avec entretemps la formidable tribune que constitueront les jeux Olympiques 2020 de Tokyo.

Ce projet a repris de l’importance après la catastrophe de Fukushima qui a entièrement privé l’archipel du nucléaire pendant deux ans.

Depuis 2009 déjà, des maisons sont dotées de piles à combustible qui, alimentées par de l’hydrogène, produisent de l’électricité tout en dégageant de la chaleur, avec un objectif de 1,4 million de foyers équipés en 2020 et 5,3 millions en 2030.

La conquête est lente, plus de 100.000 foyers seulement sont équipés à ce stade. Car malgré les subventions de l’Etat et l’offensive des entreprises, de Panasonic à Toshiba, ces systèmes restent onéreux – environ 2 millions de yens (15.000 euros) l’unité.

Du côté de l’automobile, l’Archipel a aussi pris une longueur d’avance sur l’Allemagne ou la Californie, avec le lancement fin 2014 de la « Mirai » (futur en japonais) par le géant automobile Toyota. Après le Japon, cette « première voiture de série au monde » roulant à l’hydrogène vient de débarquer en Europe et aux Etats-Unis.

Malgré son prix élevé (plus de 60.000 euros hors taxe), la demande est au rendez-vous mais seules quelques centaines d’unités prendront la route cette année, tant la fabrication, délicate, se fait au compte-gouttes.

Ses atouts ? On l’a vu, zéro émission de CO2 à l’usage, et « une autonomie similaire à une voiture à essence pour un temps de ravitaillement de trois à cinq minutes », avance Toyota qui voit là un net avantage par rapport aux véhicules électriques.

« Les voitures à hydrogène apparaissent comme les voitures écologiques idéales », affirme Hisashi Nakai, expert au sein du département de planification stratégique du constructeur. « Le principal problème est leur coût, nous venons de commencer, ça ne se fait pas du jour au lendemain », se justifie-t-il.

Il écarte les craintes des usagers sur le danger de ce gaz hautement inflammable. « Le réservoir peut résister à n’importe quel choc, nous avons fait des centaines de tests: même si on tire dessus, il n’explose pas ».

Toyota n’est pas le seul en piste: Honda lancera en mars sa propre voiture à pile à combustible et Nissan a été embarqué par le gouvernement dans l’aventure malgré ses réticences devant le faible nombre d’infrastructures – quelques dizaines de stations seulement au Japon.

« Dans sa superbe ambition, le Japon pèche par sa stratégie de règlementation extrêmement contraignante », regrette le responsable d’Air Liquide, évoquant « des contraintes de sécurité » très strictes pour éviter une quelconque fuite de cet élément incolore et inodore. D’où un prix de revient « deux à trois fois plus important » qu’ailleurs, avoisinant les 3 millions d’euros par station.

Autre bémol de taille, l’hydrogène est aujourd’hui essentiellement produit à partir d’hydrocarbures… qui émettent des gaz à effet de serre. « Vendre l’économie de l’hydrogène sans changer la structure de production, c’est une hérésie ! », admet M. Franc.

Le Japon espère à terme parvenir à un hydrogène « vert », tout simplement via un processus d’électrolyse de l’eau où l’électricité proviendrait d’énergies renouvelables (éolien, solaire ou hydraulique).

Pour Hubert de Mestier, ancien délégué général du groupe Total pour l’Asie du Nord, l’ambition nippone en matière d’hydrogène est « un rêve » pas prêt de se réaliser. « La technologie n’est pas complètement au point, il faudra sans doute plusieurs années encore avant d’aboutir à une production de masse », dit-il.

« Le Japon se trompe de priorité », renchérit Ai Kashiwagi, de l’organisation écologiste Greenpeace. « S’il veut s’engager sur la voie du développement durable, qu’il investisse d’abord dans les énergies renouvelables. Après, il sera temps de penser à l’hydrogène ».

© AFP

6 commentaires

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    • Oskar Lafontaine

    L’hydrogène n’est pas une « énergie », ce n’est qu’un moyen de l’employer, tout comme l’électricité d’ailleurs qui ne se « capte » pas dans les éclairs orageux. Certes on a récemment (depuis quelques années) découvert l’existence de gisements naturels d’hydrogène, mais pas de quoi monter une industrie sur ces curiosités géologiques.
    Produire l’hydrogène demeure une opération industrielle dont le bilan énergétique n’est pas merveilleux et moins intéressant, économiquement d’abord, que le recours aux énergies renouvelables.
    Surtout l’hydrogène demeure dangereux à transporter, ce qui en augmente beaucoup (trop) le coût d’utilisation.
    Qu’une volonté politique, celle d’Abe, Premier ministre japonais, pousse, voire oblige, des industriels nippons, pas vraiment enthousiastes, à s’engager dans cette voie de garage, n’a rien de surprenant, Abe ayant déjà largement démontré, en tentant de relancer, à grands frais et petite échelle, le nucléaire dans son pays, qu’il était nul et au-dessous de tout en anticipations des futures réalités industrielles de base, tout comme en simple et élémentaire calcul comptable, de leur coût réel.
    En France, nous avons eu une Mme Lauvergeon, toute aussi mal inspirée qu’Abe, en dépit de ses indéniables connaissances mathématiques de haut niveau, et qui s’est illustrée, avec les résultats calamiteux que l’on sait, à tenter de relancer, au pays de Descartes, circonstance aggravante, et aux frais de la Princesse, le nucléaire; des milliards se sont ainsi envolés pour rien et Areva est en faillite.
    C’est beaucoup moins connu, mais Mme Lauvergeon, décidément nulle en anticipations industrielles, s’est également fourvoyée, en matière d’énergies renouvelables, en croyant au solaire par concentration, et y faisant perdre à Areva des centaines de millions d’euros, alors que c’est le solaire photovoltaïque qui rafle la mise, étant devenu quatre fois moins onéreux à mettre en oeuvre que le solaire par concentration.
    Nul doute que le Japon s’engage là, un peu légèrement avec l’hydrogène, dans une impasse technologique, où il laissera, tout comme Mme Lauvergeon, des plumes et de mauvais souvenirs.

      • Mallet

      Tu es payer par qui? De l hydrogène naturel c est a dire extraits de « puits » il y en a de partout et si cela t étonne dit toi que l on trouve QUE ce que l on cherche .Comme mcphy qui a trouver le moyen de stocker l hydrogène de façon solide extrêmement sur quand au faîte qui il n a pas d odeur le gaz naturel n a pas d odeur non plus.

    • Francis

    L’hydrogène est le complément des énergies renouvelables par nature aléatoires et intermittentes, un moyen de stocker les pointes de production d’électricité, qui peut être utilisé par combustion directe comme le gaz naturel ou pour refaire du courant avec une pile à combustible. Même si il y a des pertes au niveau de l’électrolyse de l’eau,elles sont compensées par le meilleur rendement des panneaux photovoltaïques et des éoliennes quand il n’y a plus besoin de transformer leur courant continu en courant alternatif. Le stockage du courant en batteries est aussi coûteux et sujet à pertes.Il ne faut pas se faire d’illusions,la solution idéale n’existe pas. Les résultats de la recherche scientifique étant imprévisibles,il ne faut pas se plaindre que les pays et les entreprises partent dans des directions différentes. C’est trop facile, après, de dire: un tel a eu raison,un tel a eu tord.

      • Oskar Lafontaine

      Avec les anticipations à 3 et 5 ans du coût des accumulateurs lithium, anticipations régulièrement publiées dans la presse économique, Les Echos par exemple, on sait qu’un accumulateur lithium de 10 kw/h qui, en cette fin 2015 a un prix autour de 5000 dollars, en baisse de plus de 20 % depuis le début de l’année, sera à 3500 dollars en 2017, Musk de Tesla en vend déjà à ce prix aux USA depuis un mois, et que le prix sera tombé à 200 dollars en 2020.
      Ce prix pour un nombre de cycles, charge-décharge, garanti supérieur à 5000 et pour moins de 4% de pertes
      Un simple calcul élémentaire montre alors qu’à ce tarif, le stockage ne représentera plus que 25% du prix des panneaux, pose et appareils annexes de contrôle et de régulation compris. C’est-à-dire encore que le stockage d’un kilowattheure reviendra moins cher, moitié moins, que le transport de ce même kilowattheure par le réseau, pour un particulier en France. Dans une facture d’EDF à un particulier en France, le transport et la distribution de l’électricité représentent plus de 50% du montant total de la facture, les taxes 20% et la « fabrication » du courant, le reste, soit à peine 30%. Le stockage avec de l’hydrogène ne pourra, d’ici cinq ou dix ans, parvenir à un tel prix, et avec le même niveau de sécurité, c’est exclu.

    • OLIVAUX

    Il ne faut pas stocker l’hydrogène mais l’utiliser à la demande d’un moteur…

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