Climat: Laurence Tubiana, l’ambassadrice en baskets, à la manoeuvre

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Laurence Tubiana le 21 octobre 2015 à Paris © AFP/Archives Miguel Medina

Paris (AFP) – « Pousser chacun à faire mieux »: c’est l’ambition de Laurence Tubiana, l’envoyée spéciale de la France pour le climat, à la manoeuvre de Pékin à New York en passant par Delhi pour arracher un accord contre le réchauffement planétaire.

Dimanche, elle accueillera à Paris aux côtés du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius les représentants de plus d’une soixantaine d’Etats, pour faire avancer les discussions avant l’ouverture le 30 novembre de la « COP21 ».

Rompue aux négociations, elle en connaît le difficile processus, le lexique obscur et les résultats souvent décevants. Mais cette souriante économiste de 64 ans amène sa détermination, convaincue que l’avenir passera par l’essor d’économies sobres en carbone, un changement déjà à l’oeuvre.

« Le rôle d’une présidence (de COP) ce n’est pas seulement faciliter les débats », explique d’une voix douce cette femme décidée. « L’idée c’est de faire converger vers l’accord le plus ambitieux, et équitable, possible. C’est pousser chacun à faire mieux ».

« La pression est grande », s’anime-t-elle, le regard clair, perçant sous une frange toute blanche, « car on le voit cet accord, et en même temps il est loin. Chaque pays va se battre jusqu’à la dernière minute ».

Alors depuis sa nomination mi-2014, la Française est partout, rencontrant gouvernants, patrons, banquiers… On l’a vue en Arabie saoudite, en Inde, au Brésil, en Chine, où elle est retournée plusieurs fois…

Un travail d’écoute et d’influence, avec un petit cercle de conseillers installés, comme elle, sous les toits du ministère de l’Ecologie.

Cette ambassadrice, en baskets Converse adoptées depuis une chute de cheval, consulte tous azimuts, mais ne mâche pas ses mots, par exemple pour appeler en plénière les délégués des 195 Etats à « se ressaisir » et commencer à négocier.

Elle incarne un « équilibre entre souplesse et assurance », selon la responsable climat de l’ONU, la costaricienne Christiana Figueres, qui la surnomme « ma jumelle ».

« Laurence apporte un CV unique, dit-elle. C’est une universitaire, qui a compris la science du climat et fait assez de recherche économique pour anticiper les transformations à venir; et elle a travaillé pour des gouvernements ».

Le climat, elle y est « naturellement » venue par ses recherches sur l’agriculture et le développement, raconte l’intéressée, qui créa aussi une ONG.

En 1997, cette femme de gauche rejoint le cabinet du Premier ministre socialiste Lionel Jospin et plonge dans les négociations du protocole de Kyoto. Elle préparera aussi la COP de Copenhague de 2009, après avoir créé un institut de recherche sur le développement durable, l’Iddri, pour « influencer par les idées ».

Intellectuelle assumée, trilingue, prof à Columbia et Sciences Po, elle aime la politique « mais d’une certaine façon ». Surtout s’il s’agit de questions internationales, précise cette « citoyenne française et citoyenne du monde », née à Oran, d’un père juriste qui travailla dans le tabac et le cinéma et d’une mère importatrice de meubles scandinaves.

Le réchauffement « est un sujet d’une complexité fascinante », dit-elle. « C’est un facteur de crise considérable, qui pose la question du changement de modèle de développement. La situation aujourd’hui est insoutenable, inégalitaire, elle privilégie des modes de consommation et des comportements dommageables pour tous. Ma vraie motivation, c’est cette idée de justice ».

« Laurence s’est fait beaucoup d’amis, elle a une capacité d’écoute et de réaction », souligne Seyni Nafo, porte-parole des pays africains dans la négociation, rappelant aussi le poids du réseau diplomatique français.

Gouvernements, mais aussi entreprises ou élus locaux, il faut s’adresser à « tous ceux qui ont une influence sur le climat », insiste Laurence Tubiana, rejetant une critique du journal Charlie Hebdo qui lui reproche d’accueillir des entreprises pollueuses au conseil d’administration de l’Iddri.

« J’ai créé mon institut comme un pont entre tous les milieux. Mais les entreprises sont minoritaires, et il suffit de lire nos travaux pour voir qu’on n’obéit pas aux lobbies. Le rôle de cet institut, comme de la  négociation, c’est d’impliquer tous ceux qui vont devoir mettre l’accord en oeuvre. »

© AFP

Un commentaire

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  • Bonjour, Voilà 18 ans que je m’évertue à sensibiliser les diverses organisations mondiales, européennes, nationales et même régionales sur la proposition d’un projet de récupération de plastics dans les fleuves, mers et autres océans. Simplement par la mise en oeuvre sur des navires existants (pour réduire les coûts) de bras oscillants qui, en plus pourraient récupérer des trop nombreux hydro-carbures. Ces derniers, avec des flottes vieillissantes de navires-poubelle, ne manqueront pas de se répandre dans les années à venir.
    Il m’a été, systématiquement répondu que, en dehors des eaux térritoriales, il n’était pas possible d’amorcer quelqu’action que ce soit.
    Et on va se mêler de faire des COB 21? A quand la CoB 22 puis 23 et 24? C’est qu’il faut les faire bouffer ces « pseudo-dirigeants » sur notre compte de petits français. Qui n’ont que le droit de la fermer. Quant à participer pour soumettre des idées d’actions? Des millions de gendarmes leur refuseront l’accès.
    Alors ? Bonne COB (je ne sais plus laquelle. Et BON APPETIT! Ne vous inquiétez pas, nous digèrerons aussi cette addition. Même très salée.