Washington (AFP) – Des dirigeants d’entreprise réunis autour du président Obama contre le changement climatique: l’image, récemment immortalisée à la Maison Blanche, est avant tout symbolique mais témoigne de la lente conversion des sociétés américaines à une cause qu’elles ont longtemps ignorée ou combattue.
« Les choses ont changé radicalement ces cinq, dix dernières années », affirme à l’AFP Anne Kelly, de l’organisation non gouvernementale Ceres. Les entreprises américaines prennent conscience de l’impact du changement climatique sur leur activité. »
A quelques semaines de la conférence sur le climat de Paris (COP 21), quelque 80 grands noms de l’industrie américaine se sont ainsi engagés à soutenir un accord limitant la hausse du thermomètre mondial et rivalisent déjà d’engagements « verts ».
Coca Cola et le conglomérat industriel General Electric se sont ainsi engagés à réduire leur empreinte carbone de respectivement 25% et 20% d’ici à 2020, tandis qu’Apple se targue déjà d’utiliser 100% d’énergies renouvelables pour ses activités aux Etats-Unis.
« Nous pensons et continuons de démontrer qu’il y a des opportunités économiques venant d’actions (…) abaissant nos émissions de carbone et d’investissement dans les énergies renouvelables », affirme par ailleurs à l’AFP Sharon Basel, une porte-parole du premier constructeur automobile américain General Motors.
Contacté par l’AFP, le géant des biotechnologies Monsanto reconnaît lui la nécessité de « s’adapter » au changement climatique et assure que la COP 21 sera une « étape importante ».
Impulsé par l’administration Obama, ce changement de ton n’est sans doute pas dénué de considérations de relations publiques. Mais il tranche avec la période où les Etats-Unis, deuxième pollueur du globe après la Chine, étaient accusés de traîner les pieds dans les négociations climatiques sous la pression des milieux d’affaires.
« Le secteur privé a souvent été vu comme un obstacle aux accords internationaux, particulièrement les entreprises américaines », résume pour l’AFP Kevin Moss de l’organisation non gouvernementale World Resources Institute.
Sur la scène intérieure, la levée de boucliers des grandes entreprises avait ainsi contraint l’administration Obama à abandonner, en 2010, son projet d’un système de quota d’émission de carbone comparable à celui en vigueur en Europe.
La donne économique a certes changé depuis. De grands investisseurs se détournent des énergies fossiles et les entreprises sont pressées de toutes parts d’adapter leur modèle de croissance à un monde délesté du carbone.
Mais la conversion des milieux d’affaires n’est pas encore totale aux Etats-Unis, seul pays industrialisé à ne pas avoir ratifié le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre.
« Certains pensent que c’est une question environnementale, que c’est pour les écolos, et que les hommes d’affaires froids n’en ont rien à faire ou la voient comme un conflit avec leurs intérêts », a reconnu M. Obama la semaine dernière, en recevant un groupe de grands patrons où manquaient singulièrement les entreprises pétrolières.
Déjà affaiblis par la chute du prix de baril, les géants américains de l’or noir ont, de fait, le plus à perdre de nouvelles limitations mondiales et d’initiatives visant à renchérir le coût des émissions carbone, notamment via une taxe.
« Le leadership guidé par le marché et par le secteur privé peut permettre d’atteindre des objectifs plus vite et plus efficacement que des programmes gouvernementaux », affirme à l’AFP Eric Wohlschlegel, du lobby pétrolier de l’American Petroleum Institute, mettant en garde contre toute « rhétorique extrême » sur les énergies fossiles.
Le géant pétrolier Chevron assure ainsi partager les « inquiétudes » de la communauté internationale sur le climat, mais met en garde contre tout frein à l’activité économique.
« Nous devons mettre au point des solutions pratiques et peu coûteuses qui permettent d’atteindre les objectifs environnementaux sans porter atteinte à la croissance de l’économie mondiale », précise à l’AFP un porte-parole du groupe, Kurt Glaubitz.
Son rival ExxonMobil défend, lui, une approche garantissant un coût du carbone « uniforme et prévisible » et réduisant la « complexité administrative ».
Sur la réserve, ces puissants groupes pétroliers peuvent s’appuyer sur un bataillon d’élus républicains au Congrès qui nient la réalité du changement climatique et accusent le président Obama de mener « une croisade » sur ce thème.
Leur soutien au processus de Paris est pourtant indispensable, notamment pour atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars par an dédiés au climat. « Nous avons besoin de tous les acteurs, y compris ceux qui ont le plus d’intérêts en jeu », estime ainsi Kevin Moss.
© AFP
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