Palangkaraya (Indonésie) (AFP) – Des habitants désespérés d’une région d’Indonésie parmi les plus touchées par les incendies de forêts et fumées toxiques qui ravagent l’archipel utilisent seaux d’eau et autres maigres moyens à leur disposition pour éteindre le feu, lassés d’attendre l’aide du gouvernement.
Portant des bottes en caoutchouc et un tee-shirt trop grands pour lui, Yosua Oktavianus, 13 ans, aide son père à éteindre un incendie aux abords de leur ville sur l’île de Kalimantan (partie indonésienne de Bornéo), pendant qu’une fumée âcre s’échappe de la terre brûlée.
« Je veux simplement aider mon père », déclare à l’AFP l’adolescent à Palangkaraya, ville de 240.000 habitants où le nombre d’infections respiratoires a bondi ces dernières semaines.
Le sentiment de frustration et de colère se fait de plus en plus ressentir parmi la population la plus exposée aux fumées d’incendies, qui reproche au gouvernement central à Jakarta — la capitale épargnée par ce phénomène — de ne pas leur accorder suffisamment d’aide, alors que les dégagements massifs de fumées polluent l’air de plusieurs pays d’Asie du Sud-Est.
Des milliers d’incendies continuent de brûler sur les îles de Kalimantan et Sumatra, en dépit des avions bombardiers d’eau dépêchés par les autorités indonésiennes et l’aide d’autres pays pour tenter d’éteindre les feux.
Depuis le début des incendies en juillet, allumés pour l’essentiel illégalement en vue d’accroître les plantations d’huile de palme, dont l’Indonésie est le premier producteur mondial, 19 personnes ont trouvé la mort, selon un nouveau bilan annoncé mercredi par la ministre des Affaires sociales, Khofifah Indar Parawansa.
Furieux contre le gouvernement qui n’en fait pas assez à ses yeux, Fery Auyadi, étudiant, a décidé de prendre lui-même les devants après avoir vu des personnes âgées et des enfants de sa commune tomber malade, alors qu’un demi-million de personnes dans le pays souffrent d’infections respiratoires depuis le début des feux de forêts.
Avec ses amis, ils ont collecté des fonds pour acheter du matériel servant à éteindre les incendies avant d’aller au front: « Mes amis et moi en ont eu marre d’attendre que le gouvernement agisse. C’est maintenant l’affaire de tous », dit-il à l’AFP.
D’autres habitants engagés dans la lutte contre les incendies ont essayé pendant un moment de trouver de l’eau, une ressource rare dans ses zones de tourbières sèches, avant de découvrir un puits à proximité d’un chantier.
Après avoir assemblé une pompe à eau, Sayban, ne portant aucun équipement spécial ni masque, a piétiné le sol: « au moins mes bottes résistent à la chaleur », a-t-il dit.
Des habitants de la région accusent des sociétés de l’industrie de l’huile de palme et de production de pâte à papier ainsi que des petits propriétaires d’être impliqués dans ces incendies pour accroître les plantations.
Un Français vivant depuis 17 ans à Palangkaraya a déclaré mardi à l’AFP que des propriétaires terriens étaient « poussés à brûler leurs terrains » pour planter des palmiers à huile dont la production est ensuite revendue à de grandes compagnies.
« L’industrie de l’huile de palme pousse à la déforestation massive », a déploré Chanee (de son vrai nom Aurélien Brulé), qui a aussi la nationalité indonésienne.
Phénomène récurrent chaque année, ces incendies de forêts et terres agricoles pendant la saison sèche sont en passe de devenir les pires jamais vus, accentués cette année par le phénomène météorologique El Nino, courant chaud provoquant une sécheresse plus importante que d’habitude.
« Si on veut que ce désastre cesse de se reproduire, il faut mettre les coupables en prison pendant longtemps, révoquer leurs licences (pour l’exploitation de plantations, ndlr) et confisquer leurs terres », estime un habitant, Andi.
En dépit des lourdes peines prévues pour ces infractions et des interpellations de suspects, la législation est peu appliquée en raison de la corruption qui grangène le pays, selon des observateurs et ONG.
© AFP
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