Bruxelles (AFP) – Des cultures à l’importation, la législation européenne sur les OGM tend à vouloir offrir la possibilité aux Etats membres de décider de leur présence ou non sur leur territoire, mais ce choix à la carte est loin de satisfaire tout le monde.
Ainsi, mercredi, le Parlement européen s’est lancé dans un bras de fer avec la Commission en retoquant sa proposition sur la commercialisation de produits OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale.
La Commission a néanmoins affirmé sa volonté de vouloir poursuivre le processus avec le Conseil de l’UE, qui représente les Etats membres.
Toutefois, selon une source européenne, le Conseil, co-législateur, n’est pas plus enthousiaste sur la proposition.
La Commission entendait réitérer une législation qui s’applique à la culture des OGM: en mars 2015, l’Union européenne a offert la possibilité de la restreindre ou de l’interdire sur le territoire de chacun des 28 Etats membres.
A la suite de cette décision, 19 Etats membres de l’UE ont demandé l’interdiction pour tout ou partie de leur territoire. Leur demande a été transmise aux industriels qui ont un mois pour réagir et peuvent mettre leur veto.
Ils ont ainsi déjà accepté la requête de la Grèce, de la Lettonie, de la Croatie, de l’Autriche, et surtout de la France, premier grand pays agricole dont le requête était examinée.
Faut-il y voir une conséquence directe ? Quelques jours après la date limite, l’agrochimiste suisse Syngenta a retiré ses demandes d’agrément auprès de l’UE pour deux cultures génétiquement modifiées.
Les Etats membres gardent la possibilité d’invoquer des « motifs sérieux », liés par exemple à des politiques environnementales ou agricoles spécifiques, pour appuyer leur demande.
Le changement faisait suite à une volonté de la Jean-Claude Juncker, qui avait promis avant d’être élu à la tête de la Commission un processus plus démocratique concernant les OGM, un sujet qui n’a jamais fait l’unanimité parmi les Etats membres.
La Commission a alors voulu appliquer le même processus de décision à l’utilisation d’OGM dans l’alimentation humaine et animale, qui concerne notamment les importations.
Mais le tollé a été général. Etats membres, industriels comme écologistes et ONG sont montés au créneau.
L’eurodéputé Giovanni La Via (PPE, chrétiens-démocrates), auteur d’un rapport sur la question et président du comité Environnement, s’y inquiète pour le « fonctionnement du marché intérieur dans le domaines des denrées alimentaires et des aliments pour animaux et pour la compétitivité du secteur agricole de l’Union ».
A l’appui de son argumentation, des déclarations de parlementaires espagnols ou encore néerlandais sur « l’insécurité juridique provoquée par les fluctuations de la réglementation ».
Sous la législation actuelle, plusieurs dizaines d’OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale sont autorisés sur le territoire européen. Chacun a fait l’objet d’un procédure d’autorisation, dont une évaluation menée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Dans les faits, « on trouve très peu de produits génétiquement modifiés dans les supermarchés européens », souligne Mute Schimpf, spécialiste « Agriculture et biodiversité » pour l’ONG Les Amis de la Terre, ce qui est généralement attribué à la législation en terme d’étiquetage ou encore à la disponibilité des produits sans OGM.
« Les consommateurs n’en veulent pas », résume Franziska Achterberg à Greenpeace.
« Par contre on retrouve de nombreux produits génétiquement modifiés dans la nourriture pour animaux, pour les vaches ou la volaille » par exemple, explique Mme Schimpf.
L’UE est le premier importateur mondial de produits agricoles, très dépendante des importations pour nourrir ses animaux d’élevage.
En 2013, l’UE a notamment importé 18,5 millions de tonnes de tourteaux de soja et 13,5 millions de tonnes de graines de soja, soit plus de 60% de ses besoins en plantes protéagineuses.
Ces importations venaient presque entièrement de quatre pays (Brésil, Argentine, Etats-Unis et Paraguay) où le pourcentage de cultures génétiquement modifiées de soja se monte à 90%.
Ces partenaires commerciaux, l’Argentine en particulier, ont fait savoir que la proposition européenne sur les ventes et importations s’inscrivait à l’encontre des principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
© AFP
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