Séoul (AFP) – Des familles nord et sud-coréennes divisées par la guerre il y a plus de 60 ans se sont dit au revoir jeudi, séparation d’autant plus traumatisante que la plupart d’entre elles ne se reverront jamais.
Au troisième et dernier jour de cette rencontre chargée d’émotion organisée dans la station de montagne nord-coréenne de Kumgang, les familles ont eu deux heures jeudi matin pour prendre congé.
Certains ont passé ce temps simplement enlacés. D’autres tentaient de faire bonne figure face à l’imminence du départ, essuyant leurs larmes assis à des tables numérotées dans la salle réservée aux banquets.
Une Nord-Coréenne d’un âge avancé tentait d’égayer ces derniers instants en mettant tout le monde au défi de se livrer à un bras de fer avec elle.
Cet événement, le deuxième du genre seulement en cinq ans, était étroitement contrôlé. Les familles n’ont pu se rencontrer que six fois, pendant deux heures à chaque fois.
Près de 400 Sud-Coréens et 140 Nord-Coréens participaient à la réunion. Les 12 heures dont ils ont disposé sont d’une brièveté cruelle après des décennies de séparation provoquées par la guerre de Corée (1950-53).
« Il aurait été merveilleux de pouvoir se parler et dormir dans la même pièce, au lieu de ces quelques rendez-vous », a regretté Han Sun-Kye, 70 ans, qui a rencontré sa tante nord-coréenne.
« J’aurais tant aimé pouvoir prendre mes repas avec ma seule famille, plutôt que dans une grande salle avec tout le monde », a-t-il ajouté.
Les informations sur la rencontre proviennent d’un pool de médias sud-coréens accompagnant le groupe.
Les participants ont en fait énormément de chance. Ils ont été choisis sur une liste d’attente comportant des dizaines de milliers de noms.
Des millions de personnes ont été déplacées pendant la guerre de Corée qui avait vu la ligne de front faire des allées et venues entre le sud de la péninsule et la frontière septentrionale avec la Chine.
Dans le chaos du conflit, des familles entières, parents et enfants, maris et femmes, frères et soeurs, avaient été séparées.
La grande majorité des membres de la génération qui a vécu dans sa chair la séparation d’avec ses proches est morte sans jamais avoir le moindre contact avec ceux vivant au Nord ou même savoir s’ils étaient encore en vie.
Le nombre de décès augmente avec les années et les candidats à une rencontre savent qu’ils ne seront peut-être jamais choisis. Ils enregistrent des messages vidéos, et ont fourni des échantillons d’ADN, dans l’espoir que des contacts posthumes pourront avoir lieu à l’avenir.
Le programme de réunions des familles avait véritablement commencé après un sommet historique Nord/Sud en 2000.
En quinze ans, la pyramide des âges a beaucoup changé.
Cette fois-ci, il n’y avait que cinq familles qui ont vu des époux ou des parents et enfants se retrouver, contre 23 en 2010.
Lors du dîner pris en commun mercredi soir, Lee Jeong-Sook, 68 ans, a demandé à son père nord-coréen, Ri Hong-Jong, 88 ans, de lui chanter une chanson afin qu’elle puisse se souvenir de sa voix.
Le vieil homme a entonné un air populaire qui évoque une rivière de sa ville natale en Corée du Sud. Toute la tablée a éclaté en sanglots.
Les départs jeudi marquent la fin de la première étape de cet événement. De samedi à mardi, d’autres familles, de Corée du Nord et de Corée du Sud, vont participer à ces retrouvailles précisément orchestrées.
Ces réunions avaient été décidées fin août dans le cadre d’un accord qui avait permis de mettre fin à une dangereuse escalade des tensions entre les deux Etats rivaux.
Illustrant le fossé économique entre les deux Corées, toutes les familles du Sud sont venues avec de nombreux cadeaux, vêtements d’hiver, montres, produits de beauté et dans la plupart des cas, des milliers de dollars en liquide.
Les autorités sud-coréennes avaient pourtant prévenu que les autorités nord-coréennes allaient « s’approprier » une bonne partie de cet argent.
© AFP
2 commentaires
Ecrire un commentaire
Paul Sven
C’est abject et nous sommes tous coupables. La Corée du Nord n’existe dans son état que parce que Beijing le permet. Là encore, une preuve que c’est avec un portefeuille éthique que l’on pourra changer le monde. Il ne s’agit pas de boycotter ou de lancer des pétitions ponctuelles et vite oubliées, simplement de se demander qui l’on soutient chaque fois que l’on achète — ou n’achète pas — tel ou tel produit.
C’est un vote citoyen de tous les jours, mais tout est là ! C’est par le cash que s’instaurent et règnent les pouvoirs criminels. Mon exemple du jour : à l’épicerie aujourd’hui, la seule morue congelée de l’Atlantique Nord disponible était « Made in China » (chacun sait que la Chine n’a aucune ouverture sur l’Atlantique, mais bon). La morue est mon plat préféré, j’y résiste difficilement, mais je n’ai pas acheté puisque je suis contre les chalutiers monstres qui ratissent tout ce qui bouge dans les océans — cela aurait tout aussi bien pu tenir au fait que je n’approuve pas le soutien de Beijing au régime des Kim Jon- (une pierre deux coups).
Il est vrai qu’il est très rare de trouver des produits de Corée du Nord, mais c’est tout l’inverse pour l’interminable liste ceux du seul pays qui soutient ce régime littéralement criminel. Pensons seulement à ces familles séparées la prochaine fois que l’on sera tenté d’acheter une bricole un peu « meilleur marché ». Nous resterons coupables si l’on y pense en se disant « on n’y peut rien ».
Nous pouvons quelque chose !
ORLOFFIE
le 23 Octobre 2015
Mais, nous sommes majoritaires à ne pas avoir votre sensibilité et votre culture, encore moins votre bienveillance envers autrui en absence de laquelle notre supériorité humaine n’est autre que technique une affaire de degrés bientôt hors de contrôle. Qui pourra freiner l’intelligence artificielle…. J’entends certains éduqués à détourner le regard déclarer que nous sommes en pleine « Renaissance »… Une enième forme d’endoctrinement car endoctrinés nous l’avons toujours été. « Au delà du sommet de la montagne il y a un autre monde ».