Lyon (AFP) – De l’eau a coulé sous les ponts depuis le Larzac: une bande dessinée au nom de fleur tout trouvé, « Orchis militaris », présentée ce mercredi à Lyon, évoque le travail de naturalistes sur des terrains de l’armée.
L’ouvrage est signé par quatre étudiants de l’école de dessin lyonnaise Émile-Cohl, dans le cadre d’un partenariat avec le Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes et le ministère de la Défense.
Il évoque le projet « LIFE Défense Nature 2Mil », lancé en octobre 2012, qui prévoit des opérations de restauration et de conservation d’habitats et d’espèces sensibles au sein de quatre terrains militaires du Sud-Est: le camp de Chambaran (Isère), celui des Garrigues (Gard), le Mont-Caume (Var) et la base navale d’Aspretto (Corse-du-Sud).
Un budget d’environ deux millions d’euros, financé pour moitié par l’Union européenne et à hauteur de 40% par le ministère de la Défense, a été alloué pour cette expérience, une première en France, qui doit s’achever fin septembre 2016.
« C’est vraiment un partenariat gagnant-gagnant: préserver la biodiversité tout en préservant nos activités opérationnelles », explique la capitaine Héloïse Hablot, officier de communication près du gouverneur militaire de Lyon.
Dans la base d’Aspretto par exemple, près d’Ajaccio, « on a restauré la digue qui est le dernier point de reproduction du goéland d’Audouin », explique Perrine Paris-Sidibé, chargée du projet LIFE Défense au sein du Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes.
Dans le camp de Chambaran, un inventaire de chauves-souris a notamment été réalisé: sur une trentaine d’espèces présentes en Rhône-Alpes, 23 ont été recensées.
« C’est la première fois que des naturalistes étaient autorisés à entrer dans ces camps et on s’aperçoit que ce sont des zones-refuges, malgré les exercices et le bruit des tirs. Il n’y a pas eu de pression urbaine, ni de pollution des sols car en général ils sont clôturés depuis la fin du XIXe siècle », ajoute Perrine Paris-Sidibé.
Au Mont-Caume, débroussaillage et élagage d’arbres ont ré-ensoleillé les sols: les plantes repoussent. Des chèvres poursuivent aujourd’hui cet entretien. Il n’y a plus d’activité militaire sur le site et un projet de cession est en cours, dans le but d’y pérenniser la préservation de la biodiversité face à bien des convoitises.
Dans le Gard, les lapins avaient déserté le camp des Garrigues: après reconstruction de zones de refuge et de reproduction, les naturalistes viennent d’en réintroduire en espérant reconstituer une chaîne alimentaire – les rares aigles de Bonelli en sont friands. Les chasseurs aussi, mais ils ne pourront pas y tirer le lapin avant trois ans.
Pour mener à bien leurs actions, les naturalistes ont dû s’entendre avec les militaires et se plier à leurs règles en termes d’accès.
« Chez les hommes de plus de 40 ans, on a souvent des objecteurs de conscience, pour qui ce n’était pas forcément simple. Mais on a un intérêt commun. Et on n’est plus des beatniks quand même », s’amuse Perrine Paris-Sidibé.
« Orchis Militaris », la BD présentée au Quartier Général Frères, du nom d’une orchidée dite guerrière à cause de sa fleur en forme de casque, joue sur ce partenariat contre nature. « J’espère qu’ils ne vont pas me faire de soucis pour ma barbe », glisse un des élèves de l’école Émile-Cohl au début de l’ouvrage, qui les met en scène sur le terrain des opérations.
« Il y avait un côté contraignant mais ça s’est fait malgré tout. On s’est strictement conformé au cahier des charges et les militaires ont joué le jeu », témoigne Stéphane Vincent de la Ligue de protection des oiseaux dans la Drôme, qui est intervenue dans le camp de Chambaran à l’instar d’autres associations.
La BD évoque d’autres actions de préservation menées dans ceux de Canjuers (Var) et Sissonne (Aisne), ainsi que sur la base aérienne 115 d’Orange (Vaucluse). Tiré à 3.000 exemplaires, cet « outil pédagogique » ne sera pas vendu mais distribué à de jeunes publics par le ministère de la Défense et les Conservatoires d’espaces naturels.
g AFP
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