Fiscalité du diesel: quels dispositifs, quelles réformes et quels coûts?

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Le gazole bénéficie d'une série d'avantages fiscaux qui expliquent son omniprésence © AFP/Archives Mychele Daniau

Paris (AFP) – Privilégié par l’Etat français depuis plusieurs décennies pour des raisons de stratégie industrielle, le gazole bénéficie d’une série d’avantages fiscaux qui expliquent son omniprésence. Tour d’horizon de ces dispositifs et des réformes promises ou étudiées pour réduire la suprématie du diesel.

Quels dispositifs bénéficient au diesel?

Le principal avantage, par ailleurs le plus visible, a trait aux taxes appliquées aux carburants, dont la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ex-TIPP), inférieures de près de 20 centimes d’euros pour le gazole par rapport à l’essence. A la mi-octobre, un litre de SP95 hors taxe valait en moyenne 0,44 euro et un litre de gazole 0,43 euro, alors que les prix à la pompe étaient respectivement de 1,10 et 1,29 euro.

Le diesel profite aussi du mécanisme de déduction de TVA, qui permet aux entreprises de récupérer 80% des taxes sur le carburant consommé pour les véhicules de tourisme, et 100% pour les utilitaires. Un régime non applicable aux véhicules « essence », ce qui explique le taux de « diésélisation » des voitures d’entreprises, proche de 96%.

Autre dispositif, qui joue indirectement: la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS), instaurée en 2006. Calculée selon la puissance fiscale du véhicule, c’est-à-dire sa puissance en chevaux et ses émissions de CO2, cette taxe favorise les véhicules diesel, certes plus polluants (émissions d’oxydes d’azote et de particules fines réputées cancérigènes) mais qui émettent moins de CO2 qu’un moteur essence à puissance équivalente.

Le diesel bénéficie enfin du système de bonus-malus écologique, appliqué depuis 2008 sur les ventes de véhicules neufs, et de la taxe additionnelle appliquée sur les certificats d’immatriculation. Les pénalités, en effet, sont là aussi appliquées en fonction des émissions de CO2, ce qui favorise de facto le gazole.

Quelles sont les réformes prévues ou étudiées?

Pour mettre fin à la « diésélisation massive » du parc automobile, Manuel Valls a annoncé « un rapprochement en cinq ans » de la taxation sur le gazole et sur l’essence. Concrètement, les taxes sur le gazole augmenteront d’un centime par litre l’an prochain, pendant que celles sur l’essence seront réduites du même montant. Puis rebelote en 2017, et ainsi de suite.

Ce projet sera voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificatives, qui devrait être débattu mi-novembre au Parlement. « Pour que le rapprochement ait vraiment lieu, il faudra ensuite que les taux soient votés, année après année », explique toutefois à l’AFP Guillaume Sainteny, enseignant à l’Ecole polytechnique et spécialiste d’écofiscalité.

Quid des autres dispositifs, dont le remboursement de TVA aux entreprises ? Mercredi, Ségolène Royal a jugé « légitime » de réfléchir à cette question. Interrogé sur BFMTV, Manuel Valls a refusé jeudi matin de se prononcer, tout en assurant qu’il pourrait y avoir « toute une série d’autres mesures techniques » sur le diesel.

Une modification du régime de déduction de TVA impliquerait en effet de revoir la législation européenne, qui empêche actuellement d’aligner le régime de l’essence sur celui plus favorable du gazole. « Ca prendrait du temps mais ce n’est pas insurmontable », estime toutefois Guillaume Sainteny.

Quel impact financier faut-il attendre des réformes?

En théorie, la baisse des taxes sur le gazole est compensée par une hausse des taxes sur le sans plomb. Mais dans les faits, un rapprochement de la fiscalité diesel-essence ne sera pas neutre pour les recettes de l’Etat, le diesel représentant 80% des ventes de carburant en France.

Selon Bercy, la réforme rapportera ainsi 245 millions d’euros supplémentaires à l’Etat, chaque année. François Hollande ayant promis de ne plus procéder à des hausses d’impôts jusqu’à la fin de son mandat, le gouvernement a annoncé qu’il baisserait de façon proportionnelle les impôts locaux des contribuables modestes, et notamment des retraités.

Si le gouvernement décidait de généraliser la TVA déductible par les entreprises, pour mettre fin au régime d’exception dont bénéficie le gazole, l’impact budgétaire serait à l’inverse négatif, mais dans des proportions limitées, au vu du faible nombre de voitures « essence » dans les entreprises. Selon l’Observatoire des véhicules d’entreprises, cette mesure coûterait ainsi entre 15 et 20 millions d’euros par an à l’Etat.

 

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2 commentaires

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    • Oskar Lafontaine

    Ce qui vient d’être annoncé ne changera rien.Ce sont les pétroliers en ce domaine qui dictent leurs lois, conformes à leurs intérêts, aux « autorités publiques », en France des guignols tout particulièrement. Et, en tout état de cause le carburant pour moteurs diesel est redevenu moins cher à produire que l’essence, après l’amortissement des unités de désulfuration dans les raffineries, qui s’est étalé en plusieurs étapes sur une vingtaine d’années, avec la baisse progressive exigée du taux de souffre, cause principale des particules, mais paradoxalement aussi, particules de souffre qui limitaient un peu, en renvoyant vers l’espace une partie du rayonnement solaire, le réchauffement climatique. Car rien n’est simple et tout est complexe.
    En Angleterre où aucune décision gouvernementale n’est intervenue pour en modifier les prix, le carburant pour diesel qui était depuis très longtemps, plus cher que l’essence, est retombé en juin 2015, même à l’équivalence dans certaines stations et n’affichait qu’un penny de plus, soit un centième de livre sterling, dans d’autres.
    La cause principale, à plus de 50% des particules présentes dans l’air des villes surtout, ne provient pas des moteurs diesels, mais bien d’autres activités, et pour la part des transports, d’abord des poids-lourds et autocars peu ou mal équipés en filtres, ensuite de l’usure des pneus et plaquettes de freins, usure indifférente au type de motorisation employé. En tout état de cause aussi, 16 % des particules issues de la combustion dans un moteur, proviennent des véhicules essence, et d’abord de ceux turbocompressés, qui en plus, sur lobyying intense des constructeurs, sont toujours dispensés, et pour encore plusieurs années au moins, de l’usage d’un filtre adapté !!! C’est un scandale.
    Quant aux oxydes d’azote, émis par les diesels et qui se transforment, sous l’influence du rayonnement solaire, en ozone, néfaste à nos poumons, ce sont les forêts qui en rejettent encore le plus, vérité de base bien peu connue. Mais les filtres à NOX (oxydes d’azote), complexes à mettre au point, deviennent obligatoires.
    Pour résumer, le gouvernement, prisonnier des lobbys, à surtout voulu donner l’illusion, qu’il faisait quelque chose.

  • Le gasoil est le pire carburant automobile (30 ans de perdu)…
    Il est urgent de régulariser les taxes des carburants. Il est parfaitement anormal de voir un gasoil moins cher alors qu’il est plus coûteux à produire & plus polluant!
    Un manque à gagner de près de 7 milliards d’euros par an pour le budget de l’État !
    Signons la pétition « essence-gasoil, mêmes taxes »

    _lien:_ http://chn.ge/1JTTsq8 _

    Merci