Grèce: à Lesbos, la marée noire et orange de la crise migratoire

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Des migrants arrivent sur l'île grecque de Lesbos dont le rivage est jonché de gilets de sauvetage abandonnés et d'épaves de canots pneumatiques, le 29 septembre 2015 © AFP ARIS MESSINIS

Mytilène (Grèce) (AFP) – Il est tôt le matin sur une plage de Skala Sikaminia, dans le nord de l’île, où abordent tous les jours des dizaines d’embarcations venues des côtes turques, transportant en moyenne chacune une quarantaine de migrants.

Trois employés de la mairie chargent dans un camion un amas de gilets de sauvetage oranges abandonnés par les arrivants, ramassent aussi les chambres à air servant de bouées, et tirent à sec des canots noirs qui finissent de se dégonfler.

Direction: une décharge à ciel ouvert un peu plus au nord, où ces tonnes de déchets plastiques sont provisoirement stockés dans l’attente d’une solution pour le moment introuvable.

Grèce: à Lesbos, la marée noire et orange de la crise migratoire »Avec de tels matériaux, la seule solution est de recycler, il parait que cela peut servir à faire des réservoirs à eau. Mais pour le moment, nous n’avons pas encore trouvé d’entreprise qui soit prête à les prendre en charge », soupire  Georges Katsanos, l’adjoint au maire de Mytilène, la capitale de l’île, chargé de la gestion des déchets.

Pour  ne pas se laisser déborder, la mairie a embauché douze employés supplémentaires, et mobilise tous les jours deux camions et une grue, autant de dépenses en trop pour des caisses déjà à sec. Un travail de Sisyphe: « nous avons à peine nettoyé qu’il faut tout recommencer », explique M. Katsanos à l’AFP.

Encore la collecte n’est-elle possible que sur les rives accessibles par la route. Sur les criques isolées, les côtes rocheuses, les déchets sont devenus partie du paysage, prêts à être emportés au large par la tempête.

Les gilets de sauvetage sont même devenus une sorte de trophée pour les journalistes et ONG qui fourmillent sur l’île, située dans le nord-est de la mer Egée. Au point d’être mis en vente sur E-Bay, « pour financer les opérations humanitaires » veut croire l’adjoint au maire.

« Si au moins ils sauvaient des vies, mais non, c’est de la camelote », fabriquée en Turquie pour le compte des réseaux de passeurs, ou importés de Chine à bas prix, déplore-t-il.

« Ils étaient vraiment très fins, pas l’air très solides » confirme Sajjad, un Afghan de 22 ans, qui a payé le sien sept euros au moment d’embarquer de Turquie. Comme tous ses compagnons, il l’a jeté à son arrivée sur l’île, encore heureux de ne pas avoir eu à s’en servir, lui qui ne sait pas nager.

Près de 310.000 migrants sont entrés dans l’UE par la Grèce depuis le début de l’année, et environ 2.800 d’entre eux ont péri dans des naufrages de leurs embarcations surchargées.

Les canots en PVC ne valent pas mieux, selon Patrocle Komninoglou, qui dirige une petite entreprise de recyclage sur l’île. « Ils ne servent que pour un passage, les migrants ont consigne de les crever dès leur arrivée, mais personne de sensé ne prendrait la mer là-dessus », assène-t-il.

S’il se force à la compassion envers les arrivants –son grand-père « était aussi un réfugié » chassé des côtes turques en 1922 par les troupes de Kemal Atatürk–, il ne décolère pas contre les dégâts provoqués par leur afflux.

« La plage en dessous de chez moi est devenue une décharge, tout ce plastique étouffe la mer et la mairie ne fait rien », s’emporte-t-il.

Environnementaliste à la faculté de géographie de Lesbos, Thanassis Kizos, est lui aussi inquiet. D’autant que les bras manquent pour lutter contre cette marée orange et noire: « pour le moment, toutes les bonnes volontés sont mobilisées pour aider les réfugiés.

Le soir pourtant, des pick-up longent les rivages du nord de l’île chargés de restes des traversées: leurs conducteurs, qu’on appelle sur l’île les « corbeaux », sont venus découper dans les épaves de quoi faire des bâches, ou récupérer leur plancher pour monter des clôtures. Mais pas de quoi effacer l’empreinte laissée par l’exode.

© AFP

2 commentaires

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    • car

    ET ALLEZ DONC ENCORE UNE NOUVELLE POLLUTION !

    • Jean-Pierre FELU

    L’humanisme européen est devenu un fléau Ces immigrants qui n’ont pas le courage de défendre leur patrie sont « les serpents que vous réchauffés en vos seins »
    « VIPERAM NUTRICARE SUB ALA »
    Les héros de Charlie Hebdo sont-ils donc morts pour rien ?