Bhadla (Inde) (AFP) – Sous un soleil brûlant, des ouvriers déploient un océan de panneaux solaires dans un désert du nord de l’Inde, illustrant l’effort du gouvernement pour doper l’énergie solaire et montrer sa bonne volonté avant la conférence de Paris sur le climat.
L’Inde, qui dépend fortement du charbon pour ses besoins énergétiques, est pressée par la communauté internationale de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, dont elle est le troisième émetteur mondial.
Mais New Delhi estime que les efforts doivent surtout venir des pays industrialisés dont les émissions de gaz à effet de serre par habitant sont bien supérieures à celles de l’Inde où 300 millions de personnes sont toujours sans électricité.
Pour montrer sa bonne volonté, le Premier ministre Narendra Modi a annoncé vouloir multiplier par cinq ses capacités de production d’énergie solaire, un effort cependant terni par le développement parallèle de sa production de charbon.
Avec ses plaines arides inondées de soleil toute l’année et une main d’oeuvre peu chère, l’Etat du Rajasthan est au coeur de cette politique de développement du solaire.
« Le solaire donne des revenus constants et un bon rendement. Ici, la principale matière première, c’est le soleil », dit Ramakant Tibrewala, président du groupe agroalimentaire Roha Dyechem qui a décidé de faire le pari.
Après avoir investi 800 millions de roupies (11 millions d’euros), Tibrewala a construit 67 rangées de panneaux solaires rutilants dans un parc solaire partagé avec quatre autres entreprises locales sur 10.000 hectares.
Tibrewala espère connecter son parc au principal réseau électrique dans les prochaines semaines et produire 25 mégawatts.
Avec la chute des prix du matériel solaire et une consommation en hausse, les groupes indiens et étrangers s’intéressent de près au marché du solaire en Inde. Le groupe japonais SoftBank, l’américain SunEdison et le chinois Trina Solar ont tous récemment promis d’investir sur le marché indien.
Mais des moyens bien plus importants seront nécessaires pour atteindre l’objectif de 100.000 mégawatts d’énergie solaire d’ici 2022, contre 20.000 actuellement. M. Modi, qui a favorisé l’émergence du solaire dans son Etat du Gujarat (ouest) veut attirer 100 milliards de dollars d’investissements dans ce domaine.
Son gouvernement a promis de faciliter la venue des investisseurs étrangers, en réduisant les obstacles bureaucratiques et en offrant des réductions d’impôts aux groupes intéressés.
« Nous avons besoin d’argent », souligne Upendra Tripathy, haut responsable au sein du ministère des Energies renouvelables nouvellement crée.
Le responsable dément que l’Inde eut agi sous la pression internationale.
« Ce n’est pas que l’Inde veuille agir sous la pression. L’Inde estime d’elle-même que c’est bien pour la planète et bien pour le pays », a-t-il dit.
Mais en parallèle de ces efforts dans les énergies renouvelables, le gouvernement entend doubler sa production de charbon d’ici 2020 à plus d’un milliard de tonnes afin de satisfaire son économie qui connait une croissance de 7%.
L’Inde, qui abrite les cinquièmes plus importantes réserves de charbon dans le monde, produit 60% de son électricité à partir du charbon.
Après sa victoire en mai 2014 aux législatives, M. Modi a promis l’électricité pour les millions de pauvres qui ne sont pas reliés à un réseau surchargé.
Pour les experts, la dépendance indienne au charbon va être dévastatrice pour l’environnement et le géant asiatique doit limiter ses émissions.
« Pour un pays en croissance comme l’Inde, qui va avoir un énorme besoin d’énergie dans les prochaines années, s’appuyer sur le charbon comme ressource première va être catastrophique non seulement pour le pays mais également pour le monde », estime Krishnan Pallassana, directeur pour l’Inde de l’ONG Climate Group.
En visite en janvier à New Delhi, Barack Obama a mis la pression sur l’Inde, estimant que la bataille contre le réchauffement climatique serait perdue sans les efforts des pays émergents pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles.
Mais M. Modi a répliqué en déclarant qu’il ne s’engagerait pas sur un calendrier, en dépit de l’exemple montré par la Chine et les Etats-Unis en novembre qui ont annoncé un pacte commun pour réduire leurs émissions.
« Les pays développés doivent partager leurs technologies propres et fournir une assistance financière aux pays en développement pour combattre le changement climatique », déclarait M. Modi en septembre lors d’un rassemblement des pays émergents à Delhi.
© AFP
2 commentaires
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chaumien
Il est facile de donner des conseils, mais les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Aidons les d’abord en leur montrant comment nous faisons, d’autant que nous faisons très peu.
Chacun fait avec ses moyens et sa bonne ou mauvaise volonté.
Oskar Lafontaine
Qu’importent les déclarations d’intentions politiques du gouvernement indien ou d’un autre, seules comptent en définitive les réalités économiques de base, car une industrie, qu’elle qu’elle soit, ne peut survivre éternellement de subventions publiques, à l’exception des industries militaires, et encore !
Pour permettre aux centaines de millions d’hindous qui ne disposent pas du tout d’électricité et aux autres qui en ont mais pas assez et pas tout le temps du fait des coupures techniques, d’en disposer enfin, au niveau voulu et le plus rapidement possible, il n’y a plus d’autre solution raisonnable, pratique, rapide et surtout économique, que de recourir aux renouvelables.
Produire de l’électricité en effet n’est pas tout, encore faut-il pouvoir la distribuer, d’où un doublement des investissements à prévoir.
Le photovoltaïque en individuel, hors réseau, présente le meilleur compromis économique, en permettant de gagner sur les deux tableaux, celui de la production d’abord, celui de la distribution ensuite. L’alimentation en électricité va donc progressivement devenir, dans les trente années qui viennent, aux Indes comme en France, une question de plus en plus privée et de moins en moins publique ou du ressort de grosses entreprises privées distributrices et facturatrices.
Une maison s’équipe, au plan technique, en panneaux solaires et accumulateurs en quelques heures ou jours au maximum, contre de huit à 12 ans rien que pour construire un réacteur nucléaire ou un barrage hydroélectrique, de deux à quatre ans pour une centrale thermique au charbon, gaz ou fuel et de 3 à 6 mois en éolien terrestre. Et toutes ces installations sont ensuite et obligatoirement tributaires d’un réseau, toujours fragile, qui double au moins, le prix final. D’autant que les consommateurs ne vont pas attendre des années l’électricité, s’ils s’en occupent eux-mêmes, ils peuvent en disposer en quelques jours. Les crédits publics et internationaux, s’il y en a, doivent donc aller directement aux consommateurs et non à des producteurs-constructeurs d’usines à gaz.