Monsanto devra bien indemniser un agriculteur intoxiqué par un de ses herbicides

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L'agriculteur Paul François arrive au tribunal de Lyon avant l'ouverture du procès en appel contre Monsanto le 28 mai 2015 © AFP/Archives Jeff Pachoud

Lyon (AFP) – C’est une première « historique » pour les opposants à Monsanto: la cour d’appel de Lyon a confirmé jeudi la responsabilité du groupe américain dans l’intoxication d’un agriculteur français qui avait utilisé son herbicide Lasso et qu’il devra indemniser « entièrement ».

Visiblement épuisé et surtout très ému, Paul François, céréalier dont la vie a basculé en 2004 après inhalation du produit qu’il utilisait pour traiter son maïs, s’est félicité que son combat singulier trouve ainsi son dénouement: « Le pot de terre a gagné contre le pot de fer. »

« Ouf, les firmes ne sont pas au-dessus des lois », s’est-il félicité devant la presse, tandis que son avocat, Me François Lafforgue, saluait une « décision exemplaire, historique » après huit ans de combat et de « stratégie d’acharnement » de la part de Monsanto.

Le défenseur compte introduire « le plus rapidement possible » une demande d’indemnisation de M. François. « La décision d’aujourd’hui est exécutoire. Même si la société décide de se pourvoir en cassation pour contester sa condamnation, ça n’empêche pas le tribunal de se prononcer sur une indemnisation », a-t-il précisé.

Pour Monsanto, le coup est rude. La firme a annoncé son intention probable de se pourvoir en cassation. « Cette décision est contraire aux principes du droit de la responsabilité civile en France et est contredite par les éléments de preuve fournis par le plaignant. Les experts médicaux nommés par le TGI de Lyon n’ont retenu aucun lien de causalité entre l’exposition accidentelle alléguée et les préjudices allégués par Paul François », affirme le groupe américain, « confiant dans la qualité de ses produits ».

« La décision est très surprenante eu égard aux inexactitudes et aux erreurs qui émaillent la thèse de Paul François. Mais ça n’est qu’une étape (…) Le combat va se poursuivre », avait auparavant indiqué à l’AFP l’avocat du groupe, Me Jean-Daniel Bretzner.

Monsanto avait déjà été reconnu « responsable » en première instance en 2012.

C’est il y a plus de 11 ans, alors qu’il venait d’inhaler du Lasso, que Paul François avait eu un malaise et n’avait eu que le temps d’expliquer ce qui venait de se produire à son épouse avant de finir aux urgences, crachant du sang.

Cinq semaines plus tard, a-t-il raconté récemment à l’AFP, alors qu’il a repris difficilement le travail, il s’effondre sur le carrelage de sa maison, où ses filles le découvrent inconscient.

S’ensuit une longue période d’hospitalisation durant laquelle il frôle la mort. Mais il faudra attendre mai 2005 pour identifier le coupable: le monochlorobenzène, solvant répertorié comme hautement toxique et entrant à 50% dans la composition du Lasso.

Depuis, certains jours, Paul François ne peut « pas travailler du tout » en raison de la fatigue, de maux de tête. Mais il se lance dans un combat juridique pour faire reconnaître sa rechute comme maladie professionnelle, officialisée en 2010. Puis contre la firme Monsanto, dont il est convaincu qu’elle connaissait les dangers du Lasso bien avant son interdiction en France, en novembre 2007.

Cet herbicide avait en effet été jugé dangereux et retiré du marché au Canada dès 1985, puis en 1992 en Belgique et au Royaume-Uni.

La décision de la cour d’appel de Lyon marque un tournant, a souligné Me Lafforgue: « C’est la première fois qu’un fabricant de pesticides est condamné, pour avoir intoxiqué un agriculteur, à l’indemniser. »

Pour la documentariste Marie-Monique Robin, auteure de plusieurs films et ouvrages sur Monsanto (dont « Le Monde selon Monsanto »), cette condamnation constitue « une grande première: la première fois qu’un agriculteur fait condamner Monsanto ». « C’est très dur pour les paysans qui ne savent pas comment s’y prendre face à un +monstre+ comme celui-là, et j’emploie ce terme à dessein. Cette décision va faire jurisprudence, on sait désormais qu’on peut gagner! »

« C’est une décision historique », a confirmé François Veillerette, président du mouvement écologiste Générations Futures, qui a soutenu Paul François lors des huit années de procédure.

« La responsabilité du groupe a été établie pour son défaut d’affichage de la nature du produit et parce qu’il n’avait pas informé du danger réel du produit. Les firmes qui mettent sur le marché ces produits doivent savoir qu’elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités », a-t-il ajouté.

Paul François a dédié « cette victoire à tous les collègues, en France et ailleurs » car il s’est « battu aussi pour eux ». « La pression était devenue énorme quand j’ai réalisé que ce combat n’était plus seulement le mien », a ajouté l’agriculteur, qui a reçu des « soutiens des États-Unis, d’Amérique du Sud, d’Inde »…

« Je suis très fatigué, mais ça valait le coup », a-t-il dit, au bord des larmes.

© AFP

4 commentaires

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    • c

    qu’est ce quel’on peut nous faire ingurgiter par le biais de tous ce produits chimiques , je pense que ce céréalier connaissait la composition de cette saloperie , il se bat pour tous ses collègues c’est gentil et pour les consommateurs ? car nous c’est tous les jours qu’on s’envoie ces saletés d’où un plus grand nombre de cancers ! mais ça les céréaliers s’en foutent

      • Francis

      Non,la matière active d’un désherbant forcément est connue mais la nature des adjuvants qui y sont associés ne l’est que si le fabriquant veut bien l’inscrire sur l’étiquette.Dans ce procès,c’est un adjuvant neurotoxique qui est en cause,pas la molécule désherbante.
      Le désherbage se fait avant ou après le semis.Si vous regardez un champ de maïs avant la récolte, vous verrez que des mauvaises herbes sont revenues parce que le désherbant a disparu.

    • Barrat

    HB: combien faudra t’il de morts avant que les agriculteurs ou céréaliers passe à l’agriculture raisonnée puis à l’agriculture bio? Quand est ce que nos agriculteurs vont ils respecter la nature et respecter par ricochet les consommateurs? Ils font aussi partie des empoisonneurs et maintenant ils ne peuvent pas dire: « bin! crévindiou! on ne savait po ! », l’information existe et circule.

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