L’énergie renouvelable en Sardaigne suscite des convoitises


Des éoliennes près d'Oristano en Sardaigne le 13 juin 2015 © AFP GIUSEPPE CACACE

Narbolia (Italie) (AFP) – Des milliers de panneaux solaires brillent sous le soleil de Sardaigne. Autant de témoins de l’engagement de cette île italienne défavorisée en faveur d’un secteur qui suscite aussi les convoitises du crime organisé.

Dans toute l’Italie, des villes et des villages adoptent l’énergie hydroélectrique, géothermique, les éoliennes ou les panneaux solaires grâce aux généreuses subventions de l’Etat, véritable tentation pour la mafia ou des hommes d’affaires véreux.

La Sardaigne, fameuse pour ses plaines luxuriantes et ses eaux couleur émeraude mais frappée par la pauvreté et le chômage, tente de saisir sa chance pour relancer l’économie locale en mettant au service des énergies renouvelables son soleil et ses connaissances énergétiques, acquises dans l’exploitation de mines de charbon.

Dans le nord-ouest de l’île, les champs violets et jaunes de chardons et tournesols fournissent de l’énergie de biomasse, tandis que les collines du centre abritent les turbines d’éoliennes faisant de la Sardaigne le second producteur en Italie de ce type d’énergie.

Avec un taux de chômage des jeunes qui dépasse les 70%, l’île a misé sur les subventions de l’Etat non seulement pour donner un peu d’oxygène aux petites entreprises familiales, mais aussi pour attirer les investissements de grandes compagnies italiennes et internationales, afin de créer de nouveaux emplois.

Mais elle se heurte à un problème de taille: si les subventions sont bien payées par les contribuables italiens, la Sardaigne ne voit pourtant pratiquement rien des profits réalisés par les compagnies venues de l’extérieur, dont certaines sont accusées d’avoir frauduleusement demandé des fonds, soulignent des associations locales.

Le procureur sarde Mauro Mura a ainsi mis en garde contre les infiltrations mafieuses dans ce secteur, soulignant l’existence d’enquêtes contre des sociétés soupçonnées d’avoir profité de subventions réservées exclusivement aux agriculteurs sans produire aucun bien agricole.

Europol avait mis en garde dès 2013 sur le fait que « la mafia investit de plus en plus dans les énergies renouvelables ».

« Les subventions étaient prévues pour les vrais agriculteurs, c’était un coup de pouce de la part de l’Etat. Ils devaient pouvoir installer quelques panneaux sur leurs terres pour leur propre consommation et pour vendre le surplus », assure Pietro Porcedda, 63 ans, membre d’une association pour la sauvegarde du territoire.

A la périphérie de Narbolia, proche de la côte ouest, une société s’est implantée sur les terres les plus fertiles de la commune, installant 107.000 panneaux solaires sur quelque 1.600 serres dans lesquelles les propriétaires avaient promis de cultiver de l’aloès.

Mais en fait d’aloès, il n’y a que des mauvaises herbes. Et l’entreprise chinoise qui exploite la société empoche les bénéfices de la vente de sa production d’énergie solaire au géant italien de l’électricité Enel, selon M. Porcedda.

« L’argent quitte le pays au lieu d’être réinvesti ici. On nous avait promis la création de 60 postes de travail et on se retrouve avec quatre seulement », déplore-t-il.

Il en veut cependant davantage aux autorités locales, qui restent aveugles devant cette situation, qu’aux compagnies étrangères.

L’Italie surfe sur une vague d’énergie verte, plus particulièrement solaire: 7,5% de sa consommation nationale d’électricité provient désormais de ce secteur, un ratio qui place la péninsule en tête dans les grands pays occidentaux.

Mais le gouvernement italien a été obligé de tailler les subventions l’année dernière, face à la grogne des ménages italiens qui se retrouvent avec un surcoût de 94 euros par an sur leur facture d’électricité au nom du soutien aux énergies renouvelables.

« Les premières subventions étaient très élevées », reconnaît Rosetta Fanari, 47 ans, qui produit un fromage, la ricotta, selon une formule très ancienne mais grâce à un générateur solaire ultra-moderne.

« On devrait faire davantage pour s’assurer que la richesse reste sur place, pour le bien de l’environnement et de la population sarde », dit-elle.

Certains y sont parvenus, en dépit des difficultés.

La biologiste Manuela Pintus a été élue cette année maire de la localité d’Arborea en affichant dans son programme l’arrêt d’explorations gazières dans une réserve protégée de pélicans.

« Nos partisans ont reçu des menaces de la part de ceux qui voulaient continuer à creuser des trous et qui disaient +Nous allons détruire tout ce que vous avez si vous votez pour Manuela+ », raconte Mme Pintus à l’AFP.

« Mais cela ne nous a pas arrêtés. Nous avons derrière nous des mères et des grands-parents et nous poursuivrons notre lutte pour protéger nos terres pour les générations futures », assure-t-elle.

© AFP

3 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Oskar Lafontaine

    Dès qu’il y a subventions publiques, des trafics se mettent en place pour récupérer cette manne.En fait le prix actuel des panneaux a tellement baissé que plus aucune subvention ne devrait être nécessaire pour les installer, puisque la vente, au prix du marché, de leur électricité devrait les rembourser en moins de 15 ans, et même dix en régions ensoleillées comme la Sardaigne. C’est-à-dire la durée normale d’un prêt bancaire. L’escroquerie consiste donc à gonfler le prix des panneaux, à le tripler en fait, entre le prix payé à l’importateur, puisqu’ils sont surtout produits en Chine, et le prix auquel ils sont effectivement facturés lors de l’installation, et c’est exactement la même chose en France.
    De la sorte la subvention publique, à l’installation puis à l’achat de l’électricité produite, sur des années, ne sert qu’à payer l’escroquerie réalisée en quelques semaines ou jours seulement par la société, les revendeurs et intermédiaires véreux, j’ignore évidemment les « détails » qui achètent en Chine, puis placent ou font placer, les panneaux, en Italie ou en France.
    Comme les prix de vente départ de Chine sont publics et parfaitement connus puisque résultat d’une négociation entre l’Union européenne et la Chine à l’été 2013, soit 0,53 euro du watt-crête sur panneau sorti et vendu d’usine, soit encore 530 euros du kilowatt-crête, il en résulte qu’une installation de 20 m² de panneaux solaires, soit 3 kilowatts-crête ne devrait pas, avant bénéfice normal majoré du coût de l’installation, dépasser 2500 euros, et avec bénéfice normal, 3000 euros, or ils sont placés et vendus pour au moins le triple, et c’est bien là que se situe l’escroquerie, que les autorités publiques, italiennes comme françaises, ne devraient pas ignorer. En France c’est pour protéger le nucléaire que les « autorités », ramassis d’incompétents notoires, pour ne pas écrire pire encore, laissent faire, sinon même encouragent, en Italie, j’ignore les raisons.
    Par contre le véritable prix des panneaux se retrouve bien, l’escroquerie n’ayant pas été appliquée, même en France, quand il s’agit de l’installation d’une ferme solaire, ainsi à Cestas par exemple en Gironde où le prix annoncé de 360 millions d’euros pour 300 mégawatt-crête, (18% de la puissance théorique de l’EPR de Flamanville s’il fonctionne un jour, ce dont on peut commencer à douter) soit encore pour Cestas, 1,2 million d’euros du mégawatt-crête installé, permet bien de retrouver le prix de 0,53 euros du watt-crête majoré de la pose, transformateurs, régulateurs, onduleurs et naturellement d’un bénéfice normal, et des taxes.
    Puisque 1,2 million du mégawatt-crête posé et installé, font 1,20 euros du watt-crête, soit encore un peu plus du double du prix d’achat en Chine, TVA, frais de pose, matériel annexe, d’achat ou location du terrain, bénéfice normal en plus. On réalise ainsi qu’en France, l’escroquerie, apparemment tolérée et encouragée par les autorités, sur le dos des particuliers qui font placer sur leur toiture des panneaux solaires, escroquerie pour protéger le nucléaire, correspond bien au montant des subventions que le propriétaire va ensuite toucher pendant des années par le prix majoré de l’électricité qu’il vend à EDF et qui grossit ainsi artificiellement le montant de la CSPE.

    • Francis

    Je confirme ce que vient d’écrire Oskar Lafontaine.La « relance » du photovoltaïque par les socialistes en 2012 a bien été en réalité une escroquerie sur le dos des particuliers.La vente du courant produit,subvention comprise ne couvre que le quart du montant nécessaire pour rembourser l’emprunt qui a financé l’installation.

    • Roro

    Je sais pas quel emprunt vous faites pour vos panneaux mais mes clients payent leur installation 3kWc en 10 ans de production vendue à EDF-OA.
    Mais je ne vends pas de crédits mais j’invite mes clients à allez demander dans leur banque un eco-prêt avec un taux à 2 ou 3% max…
    Tout va alors très bien…
    L’escroquerie dont vous parlez n’est pas le résultat des socialiste mais d’avant ET elles n’existeraient pas si les gens étaient un peu moins neuneu et ne signaient pas au premier venu à des prix délirants ! Tant qu’il y aura des pigeons, il y aura des chasseurs de pigeons ! Et certaines entreprises TRES connues font cette chasse avec des commerciaux verreux payés à la comm.
    Pour ma part un 3kwc de qualité allemande ou française en tout noir est à 6990 TTC tout compris…
    Impossible de faire 2500 ou 3000 ou sans aucune marge de ma part ! A bien sur en achetant du chinois on peu avoir quelque cts/Wc plus bas…mais on trouve du très bon made in Europe à 0.57€/Wc !! Donc prendre du chinois pour gratter quelques cts est juste de la connerie profonde surtout pour nos industries solaires ici qui peinent !!