Berlin (AFP) – La chancelière Angela Merkel veut des avancées sur le climat au sommet du G7 qu’elle préside en fin de semaine, alors qu’en Allemagne le charbon joue toujours un rôle prédominant qu’elle hésite à remettre en cause.
Sa ministre de l’Environnement, la sociale-démocrate Barbara Hendricks, qui pousse pour une limitation du recours au charbon, a résumé le paradoxe: « on ne peut être crédible que quand soi-même on atteint l’objectif qu’on s’est fixé ».
Sauf revirement de dernière minute, la chancelière « partira (au G7) affaiblie par le débat (allemand) sur le charbon », juge pour l’AFP Tobias Münchmeyer, de Greenpeace. Difficile pour elle d’argumenter en faveur d’objectifs ambitieux auprès des Canadiens ou des Japonais si elle n’a pas résolu sa problématique nationale, explique-t-il.
Le château bavarois d’Elmau (sud) abrite dimanche et lundi un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du G7 (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada, Japon) à l’agenda duquel le climat est au premier plan.
Mme Merkel, ancienne ministre de l’Environnement, s’était attirée pendant la dernière présidence allemande de l’instance en 2007 le surnom de « chancelière du climat » pour son action contre le réchauffement climatique. Elle aimerait cimenter ce titre en obtenant de ses partenaires des promesses de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) avant la conférence de Paris en décembre prochain, que des délégués sont précisément en train de préparer à Bonn, jusqu’au 11 juin.
Elle dirige une Allemagne volontiers pionnière en matière de protection de l’environnement et de politique énergétique, qui va renoncer d’ici 2022 au nucléaire et embrasse pleinement les renouvelables. Mme Merkel se présente volontiers comme le chantre de cette « transition énergétique », même si elle n’a fait que virer de bord, après le choc de Fukushima, pour s’aligner sur une politique initiée par d’autres.
Pourtant son gouvernement ne se résout pas à écorner le primat du charbon, première source d’électricité du pays avec quelque 45% de la production brute.
Pour que l’Allemagne puisse atteindre à l’horizon 2020 l’objectif qu’elle s’est fixé de réduction de CO2 (-40% par rapport à 1990), Mme Hendricks et son collègue à l’Energie Sigmar Gabriel veulent, entre autres, taxer les propriétaires des centrales au charbon les plus vieilles – donc les plus polluantes. Objectif: rendre leur exploitation moins rentable, et au final les contraindre à la fermeture.
Les énergéticiens, la filière charbon et les dirigeants des régions les plus concernées sont entrés en résistance, agitant la menace de suppressions d’emplois par dizaines de milliers.
L’Allemagne produit elle-même du charbon, du lignite très polluant. En tout, la filière emploie plus de 30.000 personnes. Et surtout elle fait vivre des régions – le bassin de la Ruhr, la Lusace à la frontière polonaise – sans grande perspective de reconversion.
Pour Lili Fuhr, experte climat de la Fondation Heinrich-Böll, proche des Verts, c’est principalement ce point qui explique les hésitations de la chancelière. En chiffres bruts, l’Autorité fédérale pour l’Environnement évalue les suppressions d’emplois potentielles à moins de 5.000, bien en-deçà des 100.000 anticipés par le syndicat des services Verdi.
Une version édulcorée du plan de M. Gabriel, qui fait porter le poids de la réduction à d’autres secteur, circule déjà à Berlin. Mais elle met gravement en péril l’objectif des 40%, selon les associations de protection de l’environnement.
La chancelière pour le moment ne s’est pas prononcée. Son parti conservateur est majoritairement contre la taxe et le sort des groupes d’énergie, à commencer par le numéro un européen du charbon RWE qui enchaîne les pertes, n’est pas sans l’inquiéter. Sur l’autre plateau de la balance, sa crédibilité internationale et un mouvement anti-charbon qui gagne du terrain.
« Chancelière du climat ou chancelière du charbon? », interrogeaient les bannières brandies par des manifestants dans toute l’Allemagne dimanche, à l’appel de Greenpeace.
A la faveur de prix du charbon au plus bas et d’un système en panne d’échange de droits de polluer, l’Allemagne a vu ces dernières années ses émissions de CO2 grimper.
M. Münchmeyer de Greenpeace espère encore que d’ici dimanche, la chancelière envoie « un signal » en faveur de la taxe charbon, qui entraînerait « des réactions en chaîne positives » à Elmau.
© AFP
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Oskar Lafontaine
En tout état de cause en Allemagne, et depuis trois ans déjà, la seule condition, sine qua non, à remplir pour gagner de l’argent en produisant de l’électricité, c’est que ce soit en utilisant des renouvelables, éolien et solaire, les autres techniques perdent beaucoup d’argent, ce qu’illustre les déficits, moins graves que ceux d’Areva quand même, des cas d’E.On, comme celui d’RWE, qui perdent des milliards avec le gaz ou le charbon et ferment des centrales au gaz, très récentes pourtant, qui travaillent à pertes.
Comme de plus il y a surproduction électrique en Europe en général et en Allemagne en particulier, du fait justement de l’électricité des renouvelables dont le « coût marginal de production », terme d’économistes, est plus faible que celui du thermique, charbon, gaz ou nucléaire, qui doivent au moins, et en plus, payer leur combustible, il est certain qu’on assiste en Allemagne à la mort économique programmée des énergéticiens traditionnels, qui ne survivront pas à l’évolution en cours, et ce n’est qu’une question de temps. De plus, et c’est assez largement ignoré en France, l’autoconsommation électrique en Allemagne, donc sans passer par le réseau, et payer les énergéticiens et les taxes afférentes, y représente déjà plus de 10 % de la consommation électrique, et le stockage de l’électricité en accumulateur, nouveau coup, et mortel, contre les énergéticiens traditionnels, n’y a même pas attendu le discours d’Elon Musk de Tesla du 30 avril dernier pour entrer en application. De la sorte les risques de coupures électriques sont réduits à néant pour ceux, particuliers, entreprises, syndicats communaux ou privés, d’exploitants d’éoliennes, qui sont équipés, et les réseaux n’ont pas à être coûteusement renforcés, ni surtout des centrales électriques maintenues en état de fonctionnement pour quelques jours ou heures de pointes, seulement par an, ce qui est ruineux.
L’Allemagne, contrairement à ce que j’ai pu lire ci-dessus, rejette moins de CO² aujourd’hui qu’en 1990, beaucoup de centrales thermiques y étant fermées ou tournant, chaque année qui passe, un peu moins, et la tendance est irréversible, les énergéticiens le savent qui tirent leurs dernières cartouches avec l’argument emploi, tout comme en France, EDF et Areva, et les nucléocrateux en général, avec le nucléaire.
Francis
Si je comprends bien,l’évolution énergétique va nous faire passer du courant alternatif au courant continu.Les éoliennes et les panneaux photovoltaïques ont un meilleur rendement en produisant du courant continu,qui, lui seul ,est stockable en accumulateur,ça va être une révolution!