Erri de Luca à son procès: « Je peux inciter à la lecture » mais pas au sabotage

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L'écrivain italien Erri de Luca arrive à son procès pour incitation au sabotage de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, le 16 mars 2015 à Turin © AFP/Archives MARCO BERTORELLO
L'écrivain italien Erri de Luca arrive à son procès pour incitation au sabotage de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, le 16 mars 2015 à Turin © AFP/Archives MARCO BERTORELLO

Turin (Italie) (AFP) – « Je peux inciter à la lecture, à la limite à l’écriture », mais pas au sabotage, s’est défendu mercredi à son procès l’écrivain italien Erri de Luca, poursuivi pour incitation au sabotage de la ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Une attitude vivement critiquée par les responsables de la société en charge de la construction de cette future ligne à grande vitesse. « J’accuse Erri De Luca d’être un menteur et j’attends qu’il me fasse un procès pour ça », a réagi mercredi Mario Virano, le directeur général de TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin).

« Les témoignages au cours du procès ont démontré que les actes violents se sont multipliés après les écrits d’Erri de Luca », assure M. Virano, pour qui il s’agit d’une « affaire de principe ».

Accusé d’avoir incité au sabotage du chantier du TAV (l’équivalent français du TGV), dans un entretien avec plusieurs médias italiens en 2013, Erri De Luca a été interrogé par le procureur sur le sens qu’il donne à ce mot.

« Si vous regardez dans le dictionnaire de la langue italienne, +sabotage+ a plusieurs significations: causer des dommages significatifs, certes, mais également empêcher, gêner, faire obstacle », a-t-il souligné d’une voix ferme et posée, en témoignant pour la première fois à son procés, ouvert fin janvier à Turin (nord-ouest).

Mercredi matin, la salle 44 du palais de justice était trop petite pour contenir la petite centaine de partisans de l’écrivain, portant qui un badge, qui un sac « #iostoconerri » (je suis avec Erri), et les nombreux journalistes.

Assis aux côtés de ses avocats, l’auteur de « Montedidio », prix Fémina étranger en 2002 en France, qui « fête » ses 65 ans ce mercredi, s’est dit parfaitement « serein ».

« J’ai fait tant d’interviews au cours de ma vie que je considère cette audition comme une énième interview », déclare-t-il à l’AFP .

Erri de Luca encourt un à cinq ans de prison et a déjà annoncé qu’il ne ferait pas appel d’une éventuelle condamnation.

Selon cet écologiste depuis toujours, longtemps militant d’extrême gauche, la ligne entre Lyon et Turin, subit « depuis plus de vingt ans » des « obstacles, des retards », en partie dus à l’opposition de la communauté du Val de Suse, cette petite vallée alpine dont les habitants souhaitent préserver le cadre de vie.

« Si la ligne avait dû être sabotée, ça aurait été fait depuis longtemps », lance-t-il, applaudi par quelques-uns de ses partisans.

Puis cet alpiniste chevronné, discret, à la moustache blanche, ajoute: « je peux inciter à la lecture, à la limite à l’écriture mais c’est tout. Seul le parquet de Turin suppose le contraire ». Et la société TELT qui s’insurge contre l’idée qu’on juge à Turin la liberté d’expression.

« Juger Erri De Luca serait une attaque à la liberté d’expression ? C’est faire peu de cas de la liberté d’expression des ouvriers et des policiers qui ont été blessés au cours des manifestations contre le tunnel et n’ont pas, eux, les moyens de se faire entendre », a encore dit M. Virano.

Revenant dans son témoignage sur la genèse de son implication au sein du mouvement « No TAV » (non au TGV), à la demande son avocat Me Gianluca Vitale, Erri De Luca explique avoir été depuis 2005 invité à de nombreuses « assemblées publiques » dans le Val de Suse, et avoir participé à plusieurs manifestations.

« Mais jamais elles n’ont donné lieu à des actes de violence », assure-t-il.

Cet infatigable traducteur de la Bible conclut: « ce chantier du TAV est comme la ville de Jéricho. Il est assiégé par un choeur de voix qui crient et qui finiront par faire écrouler ses murs ».

La prochaine audience, durant laquelle le procureur prendra ses réquisitions et les avocats plaideront, a été fixée au 21 septembre.

5 commentaires

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    • Oskar Lafontaine

    Ce projet de ligne et de tunnel Lyon-Turin sous les Alpes est une idiotie de première grandeur, et je pèse mes mots. Si un procès doit avoir lieu, c’est bien celui des promoteurs de cette ligne et non celui de ses détracteurs.
    C’est d’abord une aberration économique dès le départ puisque le trafic des trains ne permettra jamais d’amortir le coût de la construction, et je ne suis pas le premier à l’écrire, loin de là, déjà les lignes de TGV existantes, même sans coûteux tunnels, sont menacées dans leur existence même, en Europe comme en Chine, par le coût excessif des billets et ne survivent que de subventions publiques, ce qui n’est pas tenable sur la durée.
    Cette ligne, déjà non rentable avec des trains de passagers, fussent-ils à grande vitesse, ne le deviendra pas davantage avec des trains de marchandises transportant des camions, c’est l’évidence puisqu’un train de marchandises rapporte toujours moins qu’un train de voyageurs.
    C’est donc bien le procès des promoteurs de cette ligne Lyon-Turin, pour dilapidation de deniers publics, saccage de la nature, mise en dangers de la vie des passagers transportés, troubles par le bruit subit par les riverains qu’il convient d’instruire puis de tenir.
    Quant à Erri de Luca il faudra le décorer et envoyer croupir en taule tous ses juges, à la solde de mlisérables lobbys industrielks et financiers, voire même de la ma

    • Oskar Lafontaine

    La fin de mon texte étant massacrée je la reprends ici:
    Quant à Erri de Luca il faudra le décorer et, en compensation, envoyer croupir en taule, policiers et juges surtout, qui l’ont importuné et sont, de fait, à la solde de misérables lobbys industriels, financiers, voire de la mafia italienne elle-même. La violence dans cette affaire, est du côté du pouvoir, de la police et du service public de l’Injustice systématique qui sévit dans les tribunaux.
    En tout état de cause cette ligne Lyon-Turin ne se fera pas, son financement n’étant pas trouvé, et poursuivre les travaux reviendrait à les faire payer par les contribuables français et italiens, déjà écrasés d’impôts, dont de 5 à 10 % de ceux utilisés en travaux publics, dont cette ligne Lyon-Turin, sont détournés en dessous de table, pour, et aussi, acheter les juges.

    • Damien

    Il est tout de même incroyable que dans cette affaire, on oublie la convention internationale dite de Salzbourg, signée le 7 novembre 1991. Le but était de préserver l’écosystème alpin face aux pressions touristiques et du transport. A moins que ce fut un show médiatique de plus pour endormir les gens et entreprendre les travaux contestés aujourd’hui. Nos réseaux routiers, ferroviaires et autres sont une vaste toile d’araignée qui piègent les habitants, les animaux, la nature dans sa globalité.

  • Affirmer, comme le fait Oskar Lafontaine, que le Lyon-Turin est une aberration économique dès le départ puisque le trafic des trains ne permettra jamais d’amortir le coût de la construction, c’est oublier que la réalisation du projet permettra, grâce au report des trafics sur le rail, de réduire les coûts externes des transports routiers et aériens, et d’éviter la construction de nouvelles infrastructures routières : quand on prétend savoir compter, il faut tout compter et ne pas s’en tenir à une analyse superficielle purement financière…

      • Oskar Lafontaine

      Jean Sivardière se fait des illusions, l’expérience des lignes TGV en Europe,comme en Chine, démontre amplement qu’il n’y a pas de report vers le rail des trafic aériens et de marchandises. D’ailleurs le trafic TGV est en baisse, en France notamment. Pour les marchandises, les « ruptures de charge », c’est-à-dire le coût des chargements et déchargement des wagons fait perdre tout intérêt financier et de temps au procédé. Pour les voyageurs, le coût excessif des billets fait fuir les clients et une partie, significative, de l’ordre de 20% au minimum, du prix des billets, doit en fait être payée par le contribuable, dont beaucoup ne prendront jamais le TGV, ce qui d’ailleurs est aussi bien pour eux, car ce train, infesté de champs électromagnétiques en interférence et en évolution constante, avec une ligne de 5 MW qui passe à moins d’un mètre pour certaines positions des sièges, des fesses des passagers, est une cause de cancers, parmi d’autres, et, pour le foetus des femmes enceintes, de malformations congénitales diverses et d’autisme ou encore de schizophrénie à l’adolescence, pour leur futur enfant.