Sans glyphosate, la Colombie doit trouver une alternative à la lutte anti-drogue

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Un avion asperge au glyphosate des champs de coca en Colombie pendant qu'un soldat surveille les alentours, le 12 septembre 2000 © AFP/Archives Luis Acosta
Un avion asperge au glyphosate des champs de coca en Colombie pendant qu'un soldat surveille les alentours, le 12 septembre 2000 © AFP/Archives Luis Acosta

Bogota (AFP) – Entre l’utilisation de papillons voraces ou le recours à un autre herbicide, la Colombie doit désormais trouver une alternative au glyphosate, un produit jugé à risque pour la santé, afin de détruire les plantations de drogue.

La question est cruciale pour l’un des premiers cultivateurs de feuille coca, principal ingrédient de la cocaïne, avec environ 48.000 hectares en 2013, selon les chiffres de l’ONU.

La semaine dernière, le président Juan Manuel Santos a ordonné la suspension des aspersions aériennes de glyphosate, une décision polémique dans ce pays où le trafic de drogue alimente en outre un conflit armé avec des guérillas depuis plus d’un demi-siècle.

Le Conseil national des stupéfiants a annoncé la création d’un comité pour étudier d’autres pistes que ce pesticide industriel, qualifié de potentiellement cancérigène par l’Organisation mondiale de la Santé et à l’origine, selon des experts colombiens, de problèmes dermatologiques et respiratoires ainsi que d’avortements.

Le gouvernement n’exclut pas de son côté d’utiliser, tout simplement, un autre herbicide, qui serait non toxique, même si pour l’instant aucune solution concrète n’est apparue.

Mais les idées ne manquent pas, entre utopie et pragmatisme: certains prônent un lâcher de papillons d’une espèce spéciale s’alimentant de feuilles de coca, d’autres recommandent de renforcer le contrôle de l’Etat dans les régions de culture.

 

La proposition la plus écologique est ainsi venue du directeur du Jardin botanique de la localité de Quindio (centre), lequel a affirmé que le papillon connu sous le nom Eloria Noyesi, pourrait éradiquer les champs de coca.

© AFP
Un papillon Eloria Noyesi, connu pour s’alimenter de feuilles de coca, est présenté le 24 juin 2005 à Bogota
© AFP/Archives Rodrigo Arangua

Responsable du Centre d’études sur la sécurité et les drogues à l’Université des Andes de Bogota, Daniel Mejia met toutefois en doute toutes ces pistes, estimant plus efficace de s’en prendre au trafic de drogue lui-même.

« S’attaquer aux cultures de coca, cela coûte beaucoup plus cher et les coûts collatéraux sont plus élevés, alors que s’attaquer aux derniers maillons de la chaîne (du narcotrafic) permet de réaliser un double objectif: diminuer la violence et les bénéfices du commerce illégal », explique M. Mejia, un des experts sollicités par le gouvernement pour rédiger un rapport.

Spécialiste en développement rural, Alvaro Balcazar mise lui aussi sur un renforcement des services publics dans les zones de culture, situées dans des régions défavorisées où opère la guérilla marxiste des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), actuellement engagée dans un processus de paix avec les autorités.

« Tous les territoires où l’on trouve des plantations illicites se caractérisent par un défaut de la présence de l’Etat. Nous avons des preuves que lorsque l’Etat avance dans ces territoires, ces plantations illicites disparaissent », assure-t-il, appelant à un « effort systématique à long terme ».

Cette vision sociale du problème de la drogue se heurte aux politiques de répression célébrées jusqu’ici par les autorités, comme la capture de « mules », nom donné aux personnes ingérant de la cocaïne pour la transporter, ou encore les saisies de stupéfiants.

Les opposants au moratoire sur les aspersions de glyphosate donnent aussi de la voix, à l’image d’Alejandro Ordoñez, le responsable de la « procuradoria general », l’organisme de contrôle des fonctionnaires.

« Le pays se souviendra: dans quelques mois, quelques années, nous allons être inondés de coca », a averti cette personnalité connue et souvent décriée pour ses positions ultra-conservatrices.

La Colombie était le dernier pays à maintenir les aspersions de glyphosate sur les plantations illicites, après que le Mexique et l’Afghanistan y eurent mis fin il y a quelques années.

Cette pratique avait été soutenue par les Etats-Unis, qui avaient fourni des avions et les pilotes, dans le cadre d’un programme d’aide pour la lutte contre le trafic de drogue et les guérillas d’extrême gauche.

4 commentaires

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    • Francoise Callier

    Un article très intéressant sur les fumigations, par Adam Isacson, le meilleur spécialiste de la Colombie aux U.S.: http://www.wola.org/commentary/even_if_glyphosate_were_safe_fumigation_in_colombia_would_be_a_bad_policy_heres_why

    • Francis

    La première chose à faire pour lutter contre la coca,est de créer une politique agricole qui permette aux paysans de gagner leur vie avec des productions alimentaires ou énergétiques légales.Je veux parler de l’intervention sur les marchés agricoles par le FEOGA qui a fait la richesse de l’Europe.
    Bien sûr c’est contraire à l’idéologie néolibérale des Etats Unis et de l’OMC et c’est représentatif de leur hypocrisie.Deuxièmement,le progrès social de la paysannerie couperait l’herbe sous les pieds du parti communiste colombien plus connu sous le nom de Farc.

  • Pourquoi ne pas remplacer le glyphosate par du vinaigre d’alcool ? Bien moins cher, et très efficace sur le court terme (pur il brûle quasiment toutes les plantes vertes)

    En dépénalisant la cocaïne comme l’alcool (qui ont le MÊME niveau de dépendance), cela réduirait fortement les dépenses de guerre contre cette drogue..

    Les agriculteurs cultivent la coca, car c’est cela qui les enrichit le plus

    La question que l’on peut se poser est : Pourquoi autant de consommation dans nos pays ? Au delà de la dépendance physique, les prime consommateurs sont souvent des personnes déprimées avec rupture de lien social, elles manquent de rêve et futur..

    Eduquer à l’entrepreneuriat et aux startups pourrait donc faire oeuvre de prévention de ces problèmes ! (importance de la liberté individuelle et économique = libéralisme)

    Rappel : Le Libéralisme est pour un Etat de Droit et une Justice forte (donc présence de réglementations claires et bien appliquées)

    Ce qui est dangereux est l’anomie, absence de règles et corruption bien sûr.. (d’où l’importance de cette autre liberté, de la Presse !)

    • Francis

    Le vinaigre peut être un désherbant de contact comme le chlorate de soude mais certainement pas un désherbant systémique comme le glyphosate,donc il ne tue pas les vivaces.
    Quant à dépénaliser la cocaïne,c’est une curieuse conception du libéralisme……….Moi je préfère lutter contre l’alcoolisme ET contre la cocaïne,si leur toxicité est la même.
    L’idéologie néo libérale se caractérise précisément par l’absence de règles.Elle ne se définit pas par les libertés individuelles et économiques.
    Dans les pays sous développés,avant de s’enrichir,il s’agit d’abord de survivre.Le développement économique ne peut être que le résultat d’une politique volontariste comme celle qui a fait la richesse de l’Europe,avant que,précisément,le néolibéralisme ne la précipite dans la crise..