Thaïlande: chasse à des « camps-prison » créés par les trafiquants

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n corps extrait d'une fosse commune le 1er mai 2015 près de la frontière malaisienne, dans la province de Songkhla en Thaïlande © AFP MADAREE TOHLALA
n corps extrait d'une fosse commune le 1er mai 2015 près de la frontière malaisienne, dans la province de Songkhla en Thaïlande © AFP MADAREE TOHLALA

PADANG BESAR (Thaïlande) (AFP) – Deux adolescents au regard terrifié dans une voiture de police dans le sud de la Thaïlande: après la découverte d’une fosse commune de clandestins, les autorités font la chasse aux autres « camps-prison » secrètement créés par les trafiquants, les poussant à s’enfoncer dans la jungle.

En haillons, les deux garçons ont été interpellés non loin d’un camp découvert il y a quelques jours dans la jungle, abandonné par les trafiquants avec près de trente corps dans des fosses communes et des malades incapables de finir leur périple vers la Malaisie voisine.

Les clandestins y étaient détenus dans des cages de bambou, selon la police, parlant de « camp-prison », vraisemblablement le temps que leurs familles réunissent la somme demandée par les trafiquants pour leur faire passer vers la Malaisie, à quelques centaines de mètres de là.

« Quand la police a lancé un raid sur le camp, nous avons couru vers un camp voisin », explique, avant que la voiture de police ne s’éloigne, l’aîné des adolescents, âgé de 15 ans, originaire de Birmanie.

Chaque année, des dizaines de milliers de candidats à l’exil transitent par le sud de la Thaïlande, vers la Malaisie et au-delà, pour fuir la pauvreté au Bangladesh ou les persécutions, dans le cas des musulmans rohingyas de Birmanie, considérés par l’ONU comme une des minorités les plus persécutées au monde.

Jusqu’ici, le passage par ces camps cachés dans la jungle thaïlandaise était une voie classique, même si les autorités restaient discrètes sur le nombre de camps repérés dans la jungle du sud du royaume.

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Des soldats le 2 mai 2015 devant une fosse commune découverte près de la frontière malaisienne, dans la province de Songkhla en Thaïlande
© AFP MADAREE TOHLALA

Plusieurs camps ont été l’objet de raids ces derniers mois et plusieurs trafiquants interpellés. Parmi eux, plus d’une dizaine de fonctionnaires (dont des membres de la police et de l’armée) sont soupçonnés d’avoir travaillé main dans la main avec les trafiquants dans ce commerce lucratif.

Mais la fermeté nouvellement affichée par la junte risque de mettre en danger les clandestins eux-mêmes, s’inquiètent les organisations de défense des droits de l’Homme.

Les récents raids ont en effet conduit les trafiquants à déplacer leurs camps vers des zones encore plus inaccessibles de la jungle.

Selon la police, le camp découvert la semaine dernière près de Padang Besar, dans la province de Songkhla, n’avait été abandonné que deux jours plus tôt, les trafiquants ayant conduit leurs clandestins en Malaisie, abandonnant derrière eux les malades et les morts, décédés dans des circonstances encore non expliquées, dans ces camps aux conditions de vie très précaires.

« Les raids se sont intensifiés ces derniers mois et les trafiquants ne cessent de déplacer leurs camps, abandonnant ceux qui sont trop malades pour partir avec », explique à l’AFP Chris Lewa, de l’organisation Arakan Project, qui tente d’établir un suivi du phénomène, sur la base de nombreux entretiens avec des clandestins et des trafiquants.

Selon Arakan Project, ces raids ont conduit les trafiquants à remplacer désormais leurs camps dans la jungle par des bateaux-prisons, dans les eaux internationales au large de la Thaïlande.

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Découverte d’une fosse commune dans un camp de fortune le 1er mai 2015 à à quelques centaines de mètres de la frontière malaisienne, dans la province de Songkhla en Thaïlande
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« Il y a un gros goulot d’étranglement en mer. C’est une situation encore plus dangereuse », assure Lewa.

Abdul Aziz Kade-in, de l’Association des jeunes musulmans de Thaïlande, qui aide des Rohingyas à Songhkla, explique que les trafiquants et les clandestins recherchent désespérément de nouvelles voies de passage.

« Les migrants vont sans doute cesser de venir pendant un temps, ou suivre de nouveaux itinéraires, comme de prendre la mer et d’aller directement ensuite en Malaisie ou en Indonésie », explique-t-il.

Les autorités thaïlandaises, jusqu’ici accusées de laisser-aller, affirment être désormais déterminées à punir les trafiquants, « quels qu’ils soient et quelle que soit leur fonction », assure Sansern Kaewkamnerd, porte-parole de la junte.

Selon les analystes, cette soudaine frénésie de la junte à combattre le trafic d’êtres humains est motivée par les craintes de sanctions économiques.

Le mois dernier, ajoutant sa voix aux critiques de Washington, l’Union européenne a menacé de boycotter les importations de produits de la mer de Thaïlande, un secteur économique important du royaume, s’il ne met pas fin aux pratiques d’esclavage moderne des migrants sur ses bateaux de pêche.

Face à une croissance en berne en Thaïlande, « le gouvernement militaire ne peut pas se permettre un nouveau coup à son économie. Il doit donc montrer à la communauté internationale qu’il prend désormais sérieusement en charge ce problème », analyse Puangthong Pawakapan, professeur de relations internationales à l’université Chulalongkorn de Bangkok.

3 commentaires

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    • Anne Elise Grégoire

    Comment qualifier ce genre de chose à croire que nous pensons toujours avoir vu le pire mais l’horreur s’accumule et la barbarie dépasse l’imagination. Le trafic d’êtres humains est un comble après tous ces choses horrible que le monde a déjà vu. Une chose que je ne comprendrais jamais c’est comment c’est possible que personne ne réagisse pour mettre fin à ça. Les gouvernements sont vraiment inutiles et en plus ils sont payés pour ce qu’ils ne font pas.

      • lecreux

      Mais Madame, ce ne sont que des politiciens de carrière qui ne pensent qu’a leur propre intérêt et se moquent de l’intérêt collectif.

  • Du fait de la surpopulation du Bangladesh et de la terrible pauvreté d’une partie de la population, certaines personnes économiquement marginalisées ne pensent à d’autres solutions que de quitter le Bangladesh.
    A mon avis cette situation ne fait que commencer. Elle va s’amplifier avec l’aggravation des effets des changements climatiques au Bangladesh. On s’attend à plusieurs millions de réfugies climatiques dans les prochaines années.
    Les vautours attendent ces proies faciles pour les exploiter de façon incroyablement inhumaine.
    Je pense qu’il faut à la fois :
    – Punir et empêcher de nuire les Pirates esclavagistes
    – Améliorer les conditions de vie de ces candidats à l’exode pour qu’ils puissent rester chez eux avec leur familles – vaste programme qui demande un effort international ainsi que celui du gouvernement et de l’administration du Bangladesh.
    Yves Marre