Colombie: la triste banalité des enfants victimes de mines

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Des victimes de mines participent à une manifestation à Medellin le 8 avril 2015 © AFP/Archives CAMILO GIL

Bogota (AFP) – En accélérant le pas pour rejoindre ses cousines, Angie, une fillette de huit ans, a marché sur une mine qui lui a arraché la jambe. Comme elle, des milliers d’enfants sont victimes de ces explosifs en Colombie, en proie à plus d’un demi-siècle de conflit interne.

Ce jour de l’année 2008, le destin d’Angie et de son père, Raul Trespalacios, a changé pour toujours : ils ont dû abandonner leur ferme de la région de Bolivar (nord) pour rejoindre la ville, quittant l’une son école, l’autre son travail.

Une histoire tristement banale dans ce pays latino-américain, où est revenue une lueur d’espoir après l’annonce le mois dernier d’un plan de déminage par les autorités et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), qui mènent des négociations de paix délocalisées à Cuba depuis plus de deux ans.

Depuis 1990, la Colombie a enregistré plus de 11.000 morts et blessés, dont 1.124 mineurs – plus de 10% – , dans l’explosion de mines antipersonnel, ce qui en fait le deuxième pays le plus touché par ce fléau après l’Afghanistan.

« Quand un enfant marche sur une mine, non seulement sa vie change, mais aussi celle de sa famille. Souvent, ils vivent à la campagne et doivent partir pour recevoir des soins ou par peur des acteurs armés qui ont posé la mine », indique à l’AFP Claudia Bernal, de l’ONG Colombianitos, qui offre des prothèses ainsi qu’un accompagnement aux blessés.

Parmi les mineurs victimes des mines, 79% sont mutilés et 21% ont perdu la vie, selon des chiffres officiels.

« L’enfant parvient à assimiler avec plus de sérénité le deuil (d’une jambe ou d’un bras). Cependant le vrai problème, c’est que la famille n’arrive pas à l’accepter et culpabilise énormément », explique la psychologue Maythem Mendez, qui travaille dans le centre de réhabilitation à Bogota où se rend Angie, désormais âgée de 15 ans.

En la voyant essayer sa nouvelle prothèse, qu’elle devra changer dans un an en raison de sa croissance rapide, son père se rappelle qu’il a dû lui-même attendre cinq ans avant de pouvoir retravailler, choqué par l’accident.

« Une psychologue m’a dit que j’étais encore plus fou qu’Angie. Elle se débrouille mieux. Moi, je ne me suis pas habitué, bien que sept ans aient passé. Je l’ai vue naître en entier, et maintenant il lui manque quelque chose », témoigne-t-il.

Ce dernier affiche ces doutes quant au plan de déminage, qui doit démarrer dans quelques semaines. « Je n’ai pas confiance » dans les groupes armés, confie-t-il simplement.

La Colombie, qui a signé en 1997 la Convention d’Ottawa interdisant le recours aux mines antipersonnel, ne pense pas non plus que la tâche sera facile. Le président Juan Manuel Santos ne voit pas son pays débarrassé des mines avant au moins dix ans.

Selon les autorités, sur les quelque 1.120 municipalités du pays, près de 700 restent potentiellement minées et il n’est pas rare de trouver ces explosifs près d’écoles ou des terrains sportifs.

« Si Dieu nous aide, nous aurons la paix en Colombie. Je serais heureuse, car personne ne pourra plus tomber », soupire Angie, qui assure se sentir « totalement normale » malgré son handicap.

Né dans les années 60, le conflit colombien, le plus ancien d’Amérique latine, a fait officiellement 220.000 morts, mêlant l’armée, des guérillas communistes, des milices paramilitaires et des bandes criminelles.

© AFP

 

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