L’Allemagne empêche de facto la fracturation hydraulique

fracturation hydraulique

Une foreuse sur un site d'exploitation de gaz de schiste en Roumanie © AFP/Archives Daniel Mihailescu

Berlin (AFP) – Le gouvernement allemand a adopté mercredi un projet de loi empêchant de facto largement l’utilisation de la technique controversée de fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste, tant les restrictions sont nombreuses.

Ce texte « n’autorise pas ce qui était jusqu’à présent interdit, mais au contraire interdit beaucoup de ce qui était pour l’heure possible, comble des failles juridiques et établit des règles strictes là où il n’y avait pas de règles claires », a résumé le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, rendant compte du Conseil des ministres.

Le projet de loi « prévoit des interdictions dans certaines régions précises pour des questions de protection de l’eau potable, de la santé et de la nature, ainsi que des restrictions générales pour l’utilisation de la fracturation hydraulique dans les schistes, la glaise, les marnes ou les couches de charbon », ont indiqué, dans un communiqué commun, les ministères de l’Energie et de l’Environnement.

Il interdit aussi l’emploi à but commercial de la fracturation hydraulique pour extraire des hydrocarbures dits « non conventionnels » dans des roches dures comme les schistes à des profondeurs inférieures à 3.000 mètres, or c’est justement cette possibilité que réclamait l’industrie imaginant un nouvel Eldorado énergétique à l’américaine. Des forages à but scientifique seront toutefois possibles sous conditions.

Seule technique éprouvée pour exploiter les hydrocarbures bloqués dans les schistes, mais fortement critiquée pour l’injection de produits chimiques dans le sol, la fracturation hydraulique est interdite en France, mais très utilisée aux Etats-Unis, pays qui a pu ainsi faire fortement baisser ses coûts d’énergie, faisant rêver nombre d’industriels en Europe.

Jusqu’ici, cette technique, appelée « fracking » en anglais, ne faisait l’objet d’aucune réglementation particulière en Allemagne.

Le gouvernement de coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates travaillait depuis des mois à un tel projet de loi, alors que l’équipe précédente, déjà dirigée par Angela Merkel, s’y était cassé les dents en 2013.

« Avec cette loi, nous pouvons amplement restreindre la fracturation hydraulique, de manière à ce qu’il n’y ait plus aucun danger ni pour les hommes ni pour l’environnement », s’est réjoui la ministre de l’Environnement Barbara Hendricks.

« En outre, nous nous assurons ainsi que l’extraction de pétrole et de gaz naturel dans le pays peut être poursuivie avec des cadres très stricts au plus haut niveau technique », a pour sa part déclaré le ministre de l’Economie et de l’Energie Sigmar Gabriel.

Mais pour Claudia Kemfert, de l’institut de recherche économique de Berlin, DIW, tout ceci est « beaucoup de bruit pour rien », car « de toute façon, le potentiel du fracking en Europe, à la différence des Etats-Unis et de l’Asie, est très faible ». La Pologne voisine, qui un temps a rêvé d’indépendance énergétique grâce au gaz de schiste, a nettement revu ses prétentions à la baisse devant les résultats décevants des prospections et l’actuelle faiblesse des cours du pétrole.

Les réactions énervées du côté des entreprises ne se sont néanmoins pas fait attendre. Le chef de la fédération allemande de l’industrie chimique, Utz Tillmann, a regretté que le projet de loi « ne propose toujours pas un cadre raisonnable, pour qu’il soit possible à l’avenir de profiter du gaz de schiste ».

« C’est un signal positif que l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne ne soit pas totalement exclue, mais les obligations pour l’extraction de gaz naturel dans leur ensemble sont totalement exagérées », a dénoncé Markus Kerber de la fédération de l’industrie BDI, selon l’agence dpa.

Les organisations de défense de l’environnement réclamaient elles une interdiction pure et simple de la fracturation hydraulique. « Pour atteindre les objectifs climatiques internationaux, une grande partie des ressources fossiles doit rester sous terre », a réagi leur fédération DNR, estimant que « le gouvernement accepte de possibles dommages sur l’environnement et la santé ».

Le projet de loi doit encore être approuvé par le Parlement. Les débats s’y annoncent animés, mais la « grande coalition » gouvernementale dispose de 504 des 631 sièges de députés.

© AFP

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