Vol ou culture, les herbes des montagnes grecques objet de toutes les convoitises

Athènes (AFP) – Le quotidien de Christos Mousafidis, officier de police à la frontière gréco-albanaise, c’est plutôt « trafic de drogue et immigration illégale ». Mais cet été, il s’est frotté à une délinquance d’un autre calibre: la contrebande d’herbes aromatiques.

« Des villageois nous ont alertés. Quelque chose se passait à 01h30 de marche des dernières maisons. A 1.300 mètres d’altitude, on a découvert un campement en pleine montagne et une quinzaine de cueilleurs albanais au travail. »

Tentes de fortune en nylon et plastique, provisions pour plusieurs jours, mules pour transporter la récolte, l’organisation est rustique.

Mais la quantité saisie est quasi-industrielle: 4,5 tonnes d’une herbe aromatique proche de la sauge, récoltées en dix jours, et qui devaient être passées en Albanie par les sentiers de montagne.

Moins discrets, d’autres coupeurs de plantes ont été interpellés en août en pleine ville, à Tripoli (sud) dans le Péloponnèse, avec un camion chargé de 200 kilos d’origan sauvage et de « thé de montagne », plante utilisée en infusion, très populaire en Grèce.

Si ceux-là ont bien compris le profit à tirer des plantes sauvages grecques, le secteur agricole national a jusqu’ici largement ignoré cette manne.

« Nous avons une biodiversité remarquable. Sur 7.500 espèces de plantes présentes sur le territoire, 20% sont des herbes aromatiques et pharmaceutiques dont des dizaines d’espèces endémiques. Mais elles sont encore peu cultivées », constate Eleni Maloupa, chercheuse au sein de « Demeter », organisme grec chargé de la conservation des espèces biologiques.

Les quantités exportées par la Grèce arrivent très loin derrière les champions européens du secteur: Allemagne, France, Bulgarie, Italie, Pologne.

La demande existe pourtant: les herbes récoltées cet été à la frontière gréco-albanaise étaient payées « 20 centimes le kilo » aux cueilleurs illégaux, selon le récit de ces derniers, et « revendues 4 euros » par un intermédiaire en Italie, décrit l’agent Mousafidis.

L’usage final – culinaire ? pharmaceutique ? – n’a pu être déterminé, mais le commerce fonctionnait suffisamment bien pour qu’un autre groupe soit pris sur le fait au même endroit, quelques semaines plus tard. Or des prélèvements à usage commercial nécessitent une autorisation.

« Ces récoltes sauvages endommagent la flore, car les coupes sont effectuées sans précaution », déplore Soulatana Giannakoupolo à la direction des forêts de Threspotie, l’une des provinces frontalières.

Eleni Maloupa, qui dirige dans le nord de la Grèce un jardin botanique de référence pour l’étude des aromates grecs, se désole de voir des herbes mises en vente sans contrôle, sans certification « alors qu’il existe 17 sortes différentes de thé de montagne par exemple ».

« C’est autant de bénéfices perdus car ces herbes non certifiées se vendent moins cher », observe Kostas Economakis, ancien chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (ETHIAGE) et spécialiste du thé de montagne.

Sur le marché de Thessalonique, la moitié des plantes vendues en sachet n’ont pas été cultivées mais récoltées en montagne, estime Mme Maloupa.

La chercheuse sent pourtant le vent tourner. L’année 2013 a ainsi vu les cultivateurs grecs de plantes aromatiques se constituer en filière, tandis que le gouvernement lançait la création d’un « catalogue national » de référencement scientifique des espèces.

« De plus en plus de jeunes ou d’entrepreneurs se tournent vers l’exploitation et la valorisation de plantes aromatiques et pharmaceutiques », explique Mme Maloupa.

Elle a notamment accompagné les premiers succès de la marque de tisane bio et design « Anassa » créée il y a un an par deux anciennes commerciales et déjà présente à l’international.

Un parfum de « thé de montagne » flotte aussi sur San Francisco, New York et depuis quelques semaines Paris où une version prête à l’emploi du breuvage traditionnel est vendue en canette sous le nom « Tuvunu » (« de la montagne »).

Créée fin 2012 par l’entreprise éponyme basée à Xanthi (nord-est), Tuvunu « utilise un mélange des 17 sortes de thé de la montagne, du miel, du citron et rien d’autre », décrit Demetri Chriss, le patron.

Pour s’assurer une production de qualité, l’entreprise a convaincu les agriculteurs de cette région tabacole de cultiver la plante sauvage.

« Aujourd’hui, nous avons des accords avec 300 agriculteurs dans toute la Grèce. Et nous refusons les propositions de ceux qui veulent nous livrer en herbes récoltées dans la montagne. »

© AFP

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