Glandaje (France) (AFP) – « Le loup attaque la nuit comme le jour, parfois on se lève plusieurs fois par nuit, après on en parle le matin, le soir, on ne fait plus que ça et ça nous bouffe la vie », raconte Claire Giordan, une bergère qui a perdu cette année 30 brebis sur un troupeau de 900 bêtes.
« Mon mari est très affecté par les brebis tuées, il se renferme, moi je ne peux plus garder les bêtes en alpage seule avec mes deux filles, le loup a tout désorganisé », explique cette trentenaire, qui passe plusieurs mois de l’année en estive au sein du parc national du Mercantour (Alpes-Maritimes) où le prédateur, venu d’Italie, est réapparu au début des années 90.
Lors d’une rencontre organisée cette semaine à Glandaje (Drôme) par la Confédération paysanne, plusieurs éleveurs ont témoigné d’un quotidien transformé par la présence du loup, mais aussi de leurs difficultés à envisager un avenir à leur activité « face à un animal qui s’adapte en permanence ».
Le syndicat agricole, ancré à gauche et actif sur de nombreux dossiers environnementaux (pesticides, OGM, agriculture intensive, etc..), assume désormais une position qui l’oppose aux Verts et aux associations, partisans indéfectibles de cette espèce protégée.
« Le loup s’est tellement adapté aux mesures de protection que la Confédération a aussi évolué », résume son porte-parole Laurent Pinatel, favorable à un vrai plan de régulation de l’espèce, avec des piégeages de meutes.
Au fur et à mesure que le loup se reproduit (environ 300 individus dans l’Hexagone) et s’aventure sur de nouveaux terrains (une trentaine de départements), les éleveurs prennent des mesures de protection, en bonne partie financées par l’Etat ou l’Union européenne.
Ces mesures (regroupement nocturne, filets électrifiés, chiens de garde, présence d’un berger) ont une certaine efficacité, mais « elles n’empêchent pas totalement les attaques », explique Thomas Vernay, ex-éleveur, chargé du dossier à la Confédération paysanne.
Ce trentenaire s’est installé en 2005 à Glandaje, au dessus de Die, avec un troupeau de 150 chèvres cachemire. Avec deux autres éleveurs, il a connu une première attaque en 2010. Malgré les parcs nocturnes et des chiens de protection, « la meute ne nous a plus lâchés », assure le jeune homme qui revendique une sensibilité écolo.
– ‘on ne voulait plus vivre ça’ –
L’organisation des journées a changé. Regrouper les animaux, qui pâturent parfois loin des villages, s’est fait « au détriment des foins, de la culture de céréales, de la vente directe », détaille-t-il.
Compter les bêtes est devenu pour lui une obsession. Certaines réussissaient parfois à sortir de l’enclos nocturne. Puis le loup a peu à peu appris à franchir les clôtures. « Après une attaque, on s’épuisait à chercher les bêtes, vivantes ou mortes, car on a que 48 heures pour faire la déclaration et de toute façon, les vautours arrivent rapidement », raconte-t-il.
Les attaques se sont renouvelées, parfois à 200 mètres du village. En 2012, Thomas et sa compagne ont finalement lâché l’affaire: « on ne voulait plus vivre ça et on s’est dit qu’on n’était pas là pour nourrir le loup ».
Son voisin, Philippe Faure, toujours en activité, confie: « il y a un surcoût de travail, et au final ça ne marche pas, c’est insupportable ».
Le village d’une centaine de personnes, en bout de vallée, est passé de 7 à 4 éleveurs.
Dans le Valgaudemar (Hautes-Alpes), au coeur du massif des Ecrins, le loup a surgi pour la première fois début juillet. Le troupeau gardé par Alain Barban, 55 ans, a subi trois attaques coup sur coup. Bilan: 23 brebis tuées, 19 disparues.
« Après l’attaque, c’est la désolation dans le troupeau, les brebis sont nerveuses, mangent moins. Maintenant j’ai peur pour elles (…) je ne suis pas chasseur mais je prends un fusil, au cas où », glisse-t-il.
Quant au regroupement nocturne, « il faut être franc, ce n’est pas possible partout. Et les jours de brouillard, comment fait-on? », interroge-t-il.
7 commentaires
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Bergers: une vie bouleversée par l'arriv...
[…] "Le loup attaque la nuit comme le jour, après on en parle le matin, le soir, on ne fait plus que ça et ça nous bouffe la vie". […]
CAR ELIANE
Je me suis toujours demandé comment ça se passait dans les autres pays ?il y a aussi des loups en Italie , Slovénie Croatie , ce sont des pays que je connais bien , comment font ils ? il n’y a toujours qu’en France où l’on crie « »AU LOUP « »ça je ne comprends pas , les éleveurs pleurnichent toujours , comment ça se passait avant ?
arlette a.
En France, il n’y a plus de gibier pour les chasseurs. Plus de faisans (ils sont élevés en cage), plus de lapins, etc. Alors, pour les loups c’est pareil.
Busset
Si, au contraire, le gibier est en nombre et se multiplie de trop
Dingli
Cet article évoque les difficultés réelles des éleveurs. Je regrette seulement que l’on ne mentionne même pas les arguments des défenseurs de la vie sauvage. Pourquoi ne pas interroger par exemple un représentant des associations FERUS ou ASPAS ? Les JT font de même. Ce n’est plus de l’information. Quant au revirement de la Confédération paysanne et de José Bové, je reste très critique à cet égard. Quoi ! La seule solution serait d’éradiquer le loup, comme aux siècles précédents ? Quoi ! Le loup n’aurait pas le droit de se nourrir quand, en France seulement, nous tuons plus d’un milliard d’animaux par an ! Partout se pose le problème aigu de la cohabitation entre l’homme, dont le développement sans limite est une calamité pour le biotope, et la vie sauvage: en Europe, au Canada, en Inde, etc. La solution la plus simpliste et la plus irrespectueuse de la biodiversité est de décrocher les fusils, d’organiser d’énièmes battues, des piégeages de meute et autres massacres de masse. Formidable, quand l’homme sera seul au milieu des ruines qu’il a créées, comme dans l’émouvant film d’animation de Steve Cutts, nous pourrons remercier José Bové et ses révolutionnaires de salon, qui n’ont sans doute pas encore compris que lutter contre les OGM et défendre la présence du loup procèdent du même respect de la biodiversité. Certes, les solutions sont très difficiles à mettre en oeuvre et cela me fait songer à un Japonais ingénieux qui avait déployé beaucoup d’énergie pour protéger les champs de la dévastation des sangliers, sans pour autant exterminer ces derniers. Nous sommes capables d’inventer les armes les plus perfectionnées et les plus perverses, de mettre au point des moyens de communication les plus performants et souvent de mettre notre intelligence au service de la rapacité et de la destruction. Je ne peux pas croire que nous ne pourrions pas le faire pour trouver un moyen de cohabiter avec les autres espèces vivantes qui ont le droit, tout comme nous, de vivre sur cette planète.
Dingli
Pourquoi ne pas évoquer la position des associations de protection de la vie sauvage comme Ferus, l’ASPAS, One Voice, et toutes celles qui sont réunies dans le collectif Cap Loup ? Recopier une dépêche de l’AFP, ce n’est pas de l’information. Quant à José Bové, il devrait comprendre que protéger le loup et lutter contre les OGM procède du même souci de préserver la biodiversité… Il n’est pas crédible.
(Mon précédent message n’est apparemment pas passé, je l’ai donc publié ailleurs)
Busset
Tous les métiers bouffent la vie ; moi en premier
Le mari n’est pas affecté lorsque les brebis en rentrant d’estive vont à l’abattoir?
Un parc national est fait pour la biodiversité et non pour l’élevage
Rentrant d’estive, des brebis sont égarés et perdus…çà n’afflige par les éleveurs
Les clôtures doivent faire 160 et non 80 cm
les éleveurs abandonnent leur métier car en France, on mange moins de viande et de plus, elle est étrangère; ( Nouvelle Zélande…)
Lorsqu’il y a des prédations dues au chiens errants, des éboulements, la foudre, ça ne dérange personne
Des prédations mensongères sont montées de toutes pièces
Je ne pleurerai pas sur les éleveurs, les bergers s’élèvent contre leur 1er rival les éleveurs qui font l’élevage en batterie
L’environnement n’appartient pas qu’aux éleveurs et la planète non plus!
Il y a de la place pour tout le monde