Phoques: l’OMC rejette l’appel du Canada et de la Norvège contre l’embargo de l’UE

Genève (AFP) – L’OMC a donné tort jeudi en appel au Canada et à la Norvège, qui s’élevaient contre un embargo de l’Union Européenne sur les produits dérivés du phoque.

L’Organisation mondiale du commerce(OMC), saisie contre cet embargo instauré en 2010, avait déjà donné tort aux deux pays en novembre 2013. L’UE avait justifié son embargo par les « préoccupations morales du public », jugeant les méthodes de chasse « cruelles ».

Après une audition en mars dernier, l’organe d’appel de l’OMC, composé d’experts en matière de commerce, a répété jeudi à Genève la décision de l’organisation en mettant en avant pour la première fois, pour cette instance, la question du bien-être des animaux conjuguée avec les impératifs du commerce.

« L’organe d’appel a confirmé les conclusions du groupe d’experts (ndlr premier jugement) selon lesquelles ce régime d’interdiction lié aux phoques est nécessaire pour tenir compte des préoccupations morales », indique le rapport de décision, constitué de plus de 200 pages. Cette décision est désormais définitive.

L’UE met en cause l’usage d’un bâton muni d’un embout métallique, le hakapik, pour assommer les phoques avant de les tuer.

Venue à Genève en mars pour plaider devant l’OMC la cause de son pays, la ministre canadienne de l’Environnement, Leonoa Aglukkaq, avait assuré que la chasse aux phoques était pratiquée dans son pays depuis « des siècles » et de « manière humaine et durable ».

« Nous avons été victimes de campagnes de désinformation et de mensonges menées par des groupes de militants », qui « font de l’argent en recueillant des fonds, à l’occasion de campagnes récurrentes sur les bébés-phoques ». « Nous ne tuons pas les bébés-phoques », avait insisté la ministre.

Du fait de l’embargo européen, les populations de phoques ont beaucoup augmenté au Canada, ce qui met en péril les ressources halieutiques.

Pour la ministre canadienne, l’OMC devrait statuer en fonction des règles internationales du commerce et non pas en fonction de la moralité, une notion éminemment subjective.

Après l’annonce jeudi de la décision d’appel, le gouvernement canadien a estimé que les arguments avancés pour justifier l’embargo étaient « d’ordre politique ».

« L’embargo de l’Union européenne sur les produits du phoque n’était qu’une décision d’ordre politique aucunement fondée sur les faits et les données scientifiques », ont déclaré Ed Fast et Gail Shea, respectivement ministre du Commerce international et ministre des Pêches et des Océans.

Pour le Canada, « la chasse aux phoques (…) est une activité humaine, durable et bien réglementée qui constitue une importante source de nourriture et de revenus pour les collectivités côtières et inuites ».

La Norvège, pour sa part, a semblé ignorer délibérément la signification réelle de la décision de l’OMC.

« Nous sommes satisfaits que l’organe d’appel ait conclu que les décisions de l’UE sur le commerce de produits dérivés du phoque violent les principes fondamentaux de l’OMC sur la non-discrimination », a déclaré dans un communiqué le ministre norvégien des Affaires étrangères, Boerge Brende.

Il a toutefois concédé que la position d’Oslo ne l’avait pas emporté « sur tous les points ».

L’embargo de l’UE fait des exceptions pour les produits de la chasse des peuples indigènes, les Inuits et les Inuvialuits au Canada, les Kalaallits au Groenland, ainsi que les Inupiat et les Yupik de l’Alaska  et de Russie.

Le Canada et la Norvège attaquaient cette exception comme une discrimination entre chasseurs indigènes et non indigènes, l’OMC a refusé de se prononcer sur ce point.

Ils dénonçaient aussi l’autorisation de vente des produits issus des chasses pratiquées par la Suède, la Finlande et l’Estonie au titre de leur programme de régulation de leurs ressources marines. L’OMC sur ce point a estimé qu’il y avait infraction aux règles commerciales, mais a noté que ces dernières exceptions étaient en cours de réforme par l’Union européenne.

Au Canada, environ 6.000 personnes pratiquent la chasse commerciale du phoque, principalement à Terre-Neuve. Ce type de chasse connaît depuis quelques années de grandes difficultés, en raison de l’absence de glace et de l’effondrement du prix des peaux de phoque.

Selon Ottawa, la population des phoques du Groenland, principale espèce chassée, a triplé depuis les années 1970, à environ 7,3 millions d’animaux.

La population des phoques gris a quant à elle été multipliée par 80 depuis les années 60 et s’affiche à 400.000.

© AFP

 

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