Pungesti (Roumanie) (AFP) – Derrière des fils de fer barbelés et sous la garde constante des gendarmes, le géant américain Chevron s’apprête à lancer l’exploration pour les gaz de schiste dans un village de Roumanie devenu symbole de résistance contre cette source d’énergie controversée.
« Je n’ai pas connu ce genre de protestations dans d’autres pays », lâche un responsable du groupe énergétique, Greg Murphy, le visage fermé.
Alors qu’il fait visiter à des journalistes le site de Pungesti (nord-est) où doit fonctionner « d’ici à deux à trois semaines » un premier puits d’exploration en Roumanie, sa voix est couverte par des dizaines de manifestants venus autour des grillages pour crier « Stop Chevron », « voleurs » ou « s’il vous plaît, partez ».
Après le boom des gaz de schiste aux Etats-Unis, Chevron a jeté son dévolu sur la Pologne et la Roumanie en Europe de l’Est.
Mais en Roumanie, les travaux pour construire ce premier puits d’exploration ont été interrompus deux fois fin 2013 en raison de manifestations de villageois opposés à l’exploitation des gaz de schiste.
Le site de Chevron et ses alentours ont été déclarés « zone de sécurité spéciale » avec obligation pour les passants de montrer des documents d’identité.
Chevron a organisé sa première journée « portes ouvertes » pour la presse à Pungesti, en tentant d’éviter tout contact entre habitants et journalistes, obligeant ces derniers à utiliser des bus spécialement affrétés sans arrêt dans le village.
Mais des dizaines de manifestants passés à travers champs se sont invités de manière inattendue et les responsables de Chevron ont été contraints de mener une visite sous les huées et les invectives.
En quittant le site, un des bus transportant les journalistes a essuyé des jets d’oeufs. « On pensait qu’il y avait les dirigeants de Chevron à l’intérieur », a dit plus tard un des manifestants à l’AFP.
Pour le directeur de Chevron en Roumanie, Tom Holst, « ces manifestants ne sont pas représentatifs de l’état d’esprit dans la commune de Pungesti », composée de plusieurs villages bucoliques au milieu des collines.
« Beaucoup attendent ce projet avec impatience. Nous employons déjà une trentaine de villageois », dit-il.
Il pointe les bénéfices en termes d’indépendance énergétique et insiste sur le respect des normes environnementales.
Puis il assure que durant la phase d’exploration, Chevron « n’emploiera pas la fracturation hydraulique », technique controversée prévoyant l’injection de grandes quantités d’eau mélangée à des produits chimiques pour extraire les gaz de schiste.
Mais de nombreux riverains soulignent que l’utilisation de la fracturation n’est qu’une question de temps, dès que des ressources en gaz seront établies.
Ils affichent sur leurs maisons des bannières proclamant « Je ne veux pas de fracturation » ou « Stop Chevron ».
« Ils nous disent que ce n’est pas dangereux mais alors pourquoi la France a interdit la fracturation hydraulique? », s’interroge Mariana Morosanu, une agricultrice de 33 ans qui élève vaches, chèvres et poules dans les environs.
« Que ferons nous s’ils empoisonnent notre eau? », ajoute-t-elle.
Les défenseurs de l’environnement dénoncent les risques de contamination de l’eau potable associés à la fracturation hydraulique.
« Mon fils me demande si nos collines resteront aussi belles si ceux de Chevron font leur forage. Je ne sais pas quoi lui répondre. Les gens protestent mais Chevron continue », regrette-t-elle.
Pour Catalin Scantei, menuisier, l’arrivée de Chevron a « rompu la tranquillité ».
Il montre des fissures dans un mur de sa maison, causées selon lui, par le passage des lourds convois transportant engins et matériel pour le puits d’exploration.
Mais au-delà de Chevron, la colère de Catalin et Mariana se dirige surtout vers les responsables politiques roumains accusés de « trahison ».
Opposé aux gaz de schiste lorsqu’il était dans l’opposition, le parti social-démocrate du Premier ministre Victor Ponta est devenu un fervent défenseur de cette énergie.
« Malheureusement, les politiciens en Roumanie ne pensent jamais à la population », déplore Mariana.
© AFP
3 commentaires
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Il n'y a pas qu'en Roumanie!
Ce n’est pas qu’en Roumanie que les politiques retournent leur veste !
Par exemple, un politique PS s’est rangé du côté des opposants au gaz de schiste, a largement médiatisé son engagement et quelques mois plus tard s’est retrouvé élu député pour la première fois. Il s’est empressé ensuite de s’inscrire sur la liste officielle des députés Amis du Qatar (pays actionnaire n°2 de Total exploitant entre autres du gaz de schiste) et a ensuite participé à la commission gouvernementale chargé d’évaluer les risques d’une exploitation gazière et pétrolière, commission plutôt pro gaz de schiste…
Benata Mohamed
La fracturation Hydraulique est une technologie criminelle qui fait appel à un gaspillage de l’eau et à l’emploi de produits chimiques toxiques et cancérigènes. La lutte du peuple Roumain et des autres peuples sur la planète pour défendre leur patrimoine naturel et leur droit à un environnement sain, est légitime. Vive le Peuple Roumain. A bas les multinationales criminelles qui polluent nos eaux, nos sols et notre atmosphère.
Marina Stefan
Tom Holst est un menteur. Tous les habitants de Pungesti refusent le fracking et la trentaine d’employes est en realite forme de 4 cuisinieres. J’etais la-bas, a Pungesti, le 8 avril et je connais mieux la realite. Merci Mohamed Benata pour le soutien. Nous soutenons aussi la lutte des marocains et de tous les gens qui protegent leur droit de vivre das un environement sain et sauf. Sans fracking ni ici, ni ailleurs !!