Pour sauver la biodiversité, mangez-la !

Pour célébrer l’année de la biodiversité – bien mal en point- festoyons autour de repas bios et sains. En choisissant une alimentation qui rompe, dans la mesure du possible, avec le monde agro-industriel contemporain qui entraîne pollution, déforestation et émissions de gaz à effet de serre, chacun ainsi peut protéger le Vivant.

En ce début d’année, on se prépare un peu partout dans le monde à célébrer l’année de la biodiversité. Pourtant, il s’agit déjà d’un échec : alors que 2010 est censée former l’aboutissement d’une décennie de travaux pour protéger la biodiversité, les résultats montrent que l’érosion de celle-ci continue à un rythme préoccupant.

C’est en avril 2002 que les pays signataires de la convention internationale sur la biodiversité se sont engagés à « parvenir d’ici à 2010, à une réduction significative du rythme actuel d’appauvrissement de la biodiversité aux niveaux mondial, régional et national ». Un objectif approuvé ensuite par l’Assemblée générale des Nations Unies. Pourtant, d’après les derniers chiffres de l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature), 21 % des mammifères connus, 30 % des amphibiens, 12 % des oiseaux, 28 % des reptiles, 37 % des poissons d’eau douce, 70 % des plantes étudiés sont menacés d’extinction : “Les preuves scientifiques d’une crise d’extinction majeure s’accumulent”, écrit Jane Smart, directrice du groupe de conservation de l’IUCN.

Après l’année 2009 qui s’est achevée sur le désastreux sommet de Copenhague, l’année 2010 et la lutte pour la protection de la biodiversité est-elle condamnée à un échec similaire ? N’y a-t-il rien à célébrer ? En fait, si. Pour deux raisons.

Tout d’abord, le climat est un phénomène global : les émissions de CO2 de New York ou de Shanghai accélèrent de la même manière la fonte de l’Arctique ou la désertification en Afrique. A l’inverse, la biodiversité donne naissance à des problématique souvent plutôt locales, voire ultra-locales. La conséquence en est que des succès importants peuvent voir le jour localement et que, sans attendre un hypothétique accord international, sans résoudre la crise globale non plus, chacun peut agir à son échelle. Et cela de multiples manières. Sur ce point, l’année 2010 sera donc une formidable occasion pour mettre en avant de très nombreuses initiatives. Et la diversité des ONG de terrain est à peu près proportionnelle à celle des espèces ou des écosystèmes qu’elles s’attachent à protéger : chacun peut en trouver une à sa mesure.

Ensuite, parce que l’action même de festoyer peut être une manière de protéger la biodiversité. Pourquoi ? Parce que l’une des meilleures manières de protéger la biodiversité, c’est de faire attention à son alimentation.

Pendant des milliers d’années, les paysans ont façonné la plupart de nos paysages – même si nous les considérons aujourd’hui comme naturels ; ils ont domestiqué et croisé de nombreuses espèces pour faire apparaître un nombre considérable de variétés. Mais en quelques décennies, avec l’industrialisation et l’uniformisation de l’agriculture, avec la grande distribution, 75% des variétés ont disparu ! On ne trouve plus dans les supermarchés qu’une ou deux variétés de tomate alors que 406 sont répertoriées en France, par exemple.

Aujourd’hui, notre alimentation fait peser un poids majeur sur les écosystèmes, que ce soit par la pollution qu’elle entraîne ou par la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre qu’elle encourage. Or, la quasi-totalité de la production agricole est destinée aux consommateurs – parfois indirectement via le nourrissage des animaux. C’est pourquoi chacun d’entre nous détient un moyen d’influencer le monde agricole.

On peut célébrer la biodiversité et la défendre en même temps, en préparant un bon repas en son honneur : en faisant ses course différemment, en encourageant les filières « bio » plus respectueuse de l’environnement, en consommant des espèces ou des variétés originales et diverses, en favorisant les circuits courts au travers des AMAP, par exemple. Telle est la démarche de l’association Slowfood, créée il y a déjà 20 ans maintenant, et donc le fondateur, Carlo Petrini a dit un jour (je n’ai plus la référence exacte) : « pour protéger la biodiversité, mangez-la ».

Ecrire un commentaire